Daniel Bud Ford
Roundhouse - Doc Holliday
Interview par Luc Brunot.
Traduction par Dominique Turgot et Luc Brunot.
Crédits photos : DR (Photographes inconnus en cas d'absence de mention.
Photographies issues des pages Facebook de Daniel Bud Ford et Doc Holliday).
Publié dans Bands Of Dixie n°108 (premier trimestre 2016)
C'est en 1989 avec le live « Song For The Outlaw » de Doc Holliday qu'on découvrit Daniel Bud Ford. Celui qu'on voyait comme le successeur de John Samuelson fut en fait également son prédécesseur. C'était avant que le Doc ne soit Doc ; c'était au début des seventies quand le groupe s'appelait Roundhouse. Nous avons demandé à Daniel, grand conteur, de nous raconter le Macon et le Warner Robbins des sixties et des seventies, de nous conter l'histoire de Roundhouse, de nous donner ses souvenirs de Doc Holliday... bref de nous parler de sa vie.
Bonjour Daniel,
Quand et où êtes-vous né ?
Je suis né à Savannah, en Géorgie, le 27 mars 1954. J'ai déménagé à Warner Robins le premier février 1958. Warner Robins se trouve à environ 15 kilomètres au sud de Macon.
Les deux villes sont donc proches. Y avait-il une communauté musicale commune à Macon et Warner Robbins chaque ville avait-elle sa propre communauté ?
Les deux villes formaient plus ou moins une même communauté. Les groupes de jeunes de l'une des deux villes pouvaient tout à fait jouer dans l'autre. Macon était à l'époque une ville beaucoup plus grande et on y trouvait plus d'endroits où jouer mais Warner Robins - du fait de la base aérienne - offrait néanmoins également beaucoup de lieux de concerts.
Quelle était la population des deux villes ? Comment étaient Warner Robbins et Macon dans votre jeunesse ? Quelles était leurs activités économiques ? Quelle était la composition de la population : soldats ? ouvriers ? agriculteurs ? Étaient-elles des villes agitées ou calmes ?
En milieu des années soixante, il y avait environ 65.000 habitants à Macon alors que Warner Robins en comptait à peu près 12.000. Macon est une vieille ville qui fut une plaque tournante du transport pour l'industrie du coton avant la guerre civile. Macon avait une industrie textile jusqu'à ce que celle-ci ne commence à dépérir aux États-Unis dans les années quatre-vingt. Warner Robins est issu d'un village du nom de Wellston. Un dépôt de l'Armée de l'Air y fut ouvert pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis, la Robins Air Force Base n'a cessé de croître. Elle est maintenant le plus grand employeur de l'État de Géorgie et le moteur économique pour tout le centre de la Géorgie. Seuls quelques milliers des employés sont en fait dans l'Armée. La base emploie des dizaines de milliers de civils pour la maintenance des avions, l'administration, etc. Jusqu'au début des années soixante-dix, la région était essentiellement agricole, mais tout ça appartient désormais au passé. Warner Robins était une petite ville tranquille où tout le monde connaissait tout le monde, mais ce n'est plus le cas. Elle est devenue maintenant plus grande que Macon, avec le bruit, la circulation et les autres caractéristiques qui accompagnent la croissance des villes.
Quelle était la vie artistique, en particulier musicale, dans les années soixante à Macon et à Warner Robbins ? Le légendaire Otis Redding a également grandi à Macon. Que représentait-il pour vous et les gens du coin ? Quels autres artistes célèbres sont-ils issus de Macon et Warner Robbins dans les années soixante ou avant ?
Little Richard ! Au début des années cinquante, il travaillait à la station de bus Greyhound et c'est au Tic Toc Lounge de Macon qu'il a commencé à jouer. James Brown a enregistré un grand nombre de ses premiers hits aux studios Starday-King à Macon. Le gospel est la musique que j'entendais le plus quand j'étais enfant. C'est une fois que les Beatles furent passés au Ed Sullivan Show en février 1964, que les gamins se sont mis ici à former entre eux des groupes. En raison de la présence de la base aérienne, le coin était aussi exposé à de très nombreuses influences venant du monde entier.
Otis est apparu à cette époque, vers le milieu des sixties.
N'a-t-il pas été une influence pour les jeunes musiciens des années soixante et soixante-dix ?
Oui, ce fut une influence. C''était déjà ici un très grand, avant même Monterey ou « Sittin On the Dock of the Bay ». La plupart des jeunes groupes tentaient de reprendre sa version de « Try a little tenderness » ainsi que quelques autres de ses titres.
Avez-vous eu l'occasion de voir toutes ces légendes sur scène à Macon ?
Non. Quand je suis parvenu à l'âge où on commence à aller aux concerts, ils étaient partis. Mon premier concert fut Led Zeppelin au Macon Coliseum, fin 1969. Avant, j'avais vu uniquement des groupes du coin ou qui venaient d'ailleurs en Géorgie - comme les Bushmen (avec Rodney Mills). Ça se passait- dans des centres de loisirs et des clubs d'ados.
Les Beatles au Ed Sullivan Show Février 1964 semble avoir été la chose la plus importante ? Vous aviez dix ans. L'avez-vous regardé ? Quelle fut votre réaction ?
Oui, Ce fut l'évènement le plus important. Chaque musicien que je connais de ma tranche d'âge vous dira la même chose. La première fois que j'ai entendu les Beatles, c'était tôt, un samedi matin, en août 1963. La station de télévision, Channel 9 de Columbus, en Géorgie, avait une émission de divertissement à destination des Noirs (la ségrégation existait encore). Je la regardais chaque semaine. Ils ont passé « Money » extrait du premier album sorti en Amérique chez VeeJay, un label pour les artistes Noirs.
J'aimais le morceau mais j'étais dans l'impossibilité de me procurer l'enregistrement. Il n'y avait pas d'images d'eux lors de cette émission. Je ne pouvais pas savoir à quoi ils ressemblaient et je pensais que c'était un groupe noir avant finalement de découvrir environ un mois plus tard qu'ils venaient d'Angleterre. Mais c'est alors que John Fitzgerald Kennedy a été abattu et la musique, comme tout aux États-Unis, a cessé. Ce n'est qu'en décembre que les choses ont commencé à revenir à la normale et j'ai alors commencé à voir des reportages sur les Beatles aux infos à la télé. Puis, en Janvier 1964, il y eut l'annonce de leur apparition au Ed Sullivan Show. Mes parents, qui ont toujours vu d'un oeil bienveillant ma passion pour la musique, me permirent ce soir-là de le regarder. Il y avait ce gaucher qui jouait de la basse et c'est alors que tout se décida pour moi. Je savais ce que je voulais faire. Heureusement, j'avais déjà derrière moi plusieurs années de leçons de piano et j'avais été saxophoniste dans le groupe de l'école, j'avais donc déjà un début d'expérience musicale.
Vous avez choisi de jouer de la basse parce que Paul McCartney était bassiste et gaucher comme vous ?
Je savais que je voulais jouer du rock and roll. Je ne savais pas si je voulais jouer de la guitare ou de la batterie, je n'arrivais pas à me décider. Au moment où j'ai vu ce gars jouer de la basse de la main gauche, alors que j'étais moi-même gaucher, j'ai su que c'était ce que je voulais faire.
Vous avez mentionné Rodney Mills, qui est surtout connu - ici - en tant qu'ingénieur. Pourriez-vous nous présenter un peu les Bushmen et Mills en tant que musicien ?
Les Bushmen avaient quelques années de plus et ils formaient le meilleur groupe du circuit Hullabaloo / Teen Club.
Connaissiez-vous déjà à cette époque Bruce Brookshire, Rob Walker ou d'autres futurs musiciens des différents groupes qui apparurent dans les seventies ?
Le père de Bruce Brookshire était un civil qui travaillait pour l'Air Force et qui fut transféré ici à l'été 1969. Le père de Rob Walker était lui aussi dans l'Air Force et c'est à l'été 1971 qu'il fut transféré. J'ai rencontré Bruce vers la fin de 1969 à la Warner Robins High School. Nous sommes vite devenus des amis proches, principalement en raison de nos goûts communs en matière musicale : les Beatles, Taj Mahal, Peter Greene Fleetwood Mac, etc.
The Allman Brothers Band déménagèrent à Macon en 1969. Les avez-vous rencontrés ? Quelle a été leur importance pour vous, Bruce, Rob, etc. ?
Lorsque l'Allman Brothers Band a déménagé ici, c'est devenu immédiatement le plus grand groupe du coin. J'avais vu Berry Oakley quelques années plus tôt quand The Romans avaient joué dans un club d'ados du coin et j'avais entendu parler des Allman Joys et des Hourglass mais je ne les avais jamais vus. Lorsque l'Allman Brothers Band est venu à Macon, ils ont d'abord joué gratuitement au Central City Park de Macon. On les voyait comme nos grands frères. La plupart d'entre eux étaient sympas et très accessibles. Quand j'ai eu mon permis de conduire - en mars 1970 - je prenais parfois le chemin de l'école buissonnière et j'allais jusqu'à Idlewild South. J'étais encore un gamin, j'avais seulement seize ans. Au début, ils voulaient que je reste dans ma voiture pour éviter que je n'aie des problèmes. Mais bientôt, ils ont compris que j'étais juste un type qui voulait devenir bassiste et j'ai pu sortir de mon véhicule. Berry était l'une de mes idoles en tant que bassiste : je regardais chaque mouvement qu'il faisait et j'écoutais chaque note qu'il jouait. Tout le monde dans le centre de la Géorgie fut très fier d'être représenté par l'Allman Brothers Band au Festival Pop à Byron qui eut lieu lors de la première semaine de juillet 1970.
Lorsque vous avez découvert les Beatles et choisi la guitare basse, vous étiez âgé de dix ans. Quand avez-vous commencé à jouer dans des groupes ?
J'ai d'abord joué du sax dans des groupes de Soul comme on les appelait. On jouait tout ce qui était R&B et Motown. Il m'a fallu quelques années avant d'avoir une basse. J'en ai joué dans quelques groupes avant de rencontrer Bruce mais ces groupes ne m'ont pas apporté grand-chose en termes d'apprentissage et je n'ai jamais joué nulle part si ce n'est chez quelques amis. Mon premier groupe avec Bruce date de la fin de 1970. Il s'appelait Jacob. Des décennies plus tard, la fille de Bruce a choisi Jacob comme nom pour son fils, le petit-fils de Bruce, et ça sans savoir que c'était le nom de notre premier groupe. Nous étions un power trio avec le grand Charlie Glover au chant. Des années plus tard, ce même Charlie allait se retrouver au sein de Ram Jam ; c'était après le succès de « Black Betty ».
Combien de groupes d'importance locale jouaient dans la région de Macon et de Warner Robbins dans cette deuxième partie des années soixante ?
Il y avait beaucoup de groupes dans la région, dont beaucoup provenaient de Warner Robins.
Certains de ces musiciens se sont-ils fait un nom plus tard ?
Zeke Zirngiebe - un gaucher- est devenu le guitariste de Warren Zevon. Il a travaillé avec Tower of Power et a écrit des chansons qu'on peut trouver sur les albums des Doobie Brothers, etc. Et bien sûr, il y a tous les types de Roundhouse et de Stillwater.
Jacob, c'était vous à la basse, Charlie Glover au chant et Bruce à la guitare ? Pas de batteur ? Que jouiez-vous ?
À la batterie, dans Jacob, il y avait le grand et regretté Jimmy Kelly. Il y avait donc trois instrumentistes et un chanteur. Bruce et son frère aîné Bob avaient vécu en Europe et ils possédaient tous ces super disques de British blues qui étaient difficiles à trouver ici.
Roundhouse est arrivé rapidement après, en 1971, non ?
Et oui, Roundhouse a bientôt suivi en 1971. Bob était dans le groupe. Il jouait des claviers, de la guitare et de l'harmo. Charlie fut présent pendant une courte période puis il est parti. C'est alors que Bruce est devenu le chanteur et frontman. Roundhouse était un super groupe et a fait beaucoup de choses.
George Woods, un ami de longue date en était le batteur. Il joue actuellement avec un groupe nommé Testify à Boston, Massachusetts.
Il est question depuis peu qu'on fasse un concert réunion.
George Woods a fondé Roundhouse. Il vivait à Macon et jouait avec Johnny Jenkins. Une nuit dans un restaurant de nuit à Macon, il était assis à côté de M. Grant, propriétaire du légendaire Grants Lounge. George l'a entendu dire qu'il allait commencer à y avoir du rock and roll dans ce lieu et qu'il était à la recherche d'un house band. George lui a dit qu'il avait un groupe... ce qu'il n'avait pas ! Le lendemain, George est venu à Warner Robins et a fondé Roundhouse. Bruce et moi étions mineurs, mais cela n'avait pas d'importance. C'était en 1971, quand Capricorn commençait à devenir un label très important. Grants était situé dans le centre-ville de Macon, à mi-chemin entre les bureaux Capricorn et leur studio d'enregistrement. On a jammé avec tous les musiciens qui sont venus chez Grants. Après environ un an, Roundhouse a commencé à ouvrir des concerts pour Ted Nugent, Bob Seger, Wet Willie, Cactus, etc. En 1973, Bob a décidé de déménager à Atlanta et George a rejoint la Marine. C'est ensuite que j'ai trouvé Herman. Nous avons bossé en trio pendant environ huit mois puis je suis parti à Atlanta pour travailler avec Bob au studio de Clarence Carter. C'est alors que John a rejoint Roundhouse en tant que bassiste. Bob et moi avons joué avec tous plein d'artistes de R&B et nous sommes allés aussi avec Clarence à Studio One à Atlanta pour enregistrer certaines de ses démos. C'est là que j'ai rencontré Rodney Mills, qui était ingénieur. Finalement, j'ai décidé que je voulais faire du rock. Le guitariste est lui aussi parti. Bruce et John sont alors venus à Atlanta pour nous remplacer. J'ai rejoint Cisco, un groupe d'Atlanta dont l'agent était le légendaire Steve Cole. Un très bon groupe qui comprenait Barry Borden à la batterie (BB Queen de Mothers Finest, actuellement avec le Marshall Tucker Band) et Grover Jackson à la guitare. Grover est parti plus tard fonder Jackson Guitars et Charvel Guitars. Il est récemment revenu dans le business avec GJ2 Guitars.
Quels ont été les jams les plus mémorables à Grants ?
Difficile à dire mais l'une des plus mémorable est certainement celle où Greg Allman voulait faire « Statesboro Blues » et un autre truc avec nous en jouant de la guitare. C'était en 1971 ou 1972 et je ne l'avais jamais vu jouer de la guitare avant, que des claviers. C'est donc Bob qui s'est mis aux claviers alors que Greg chantait et jouait avec la guitare – une Gretsch Country Gentleman - de Bob.
Quand Woods a quitté le groupe, vous avez cherché un autre batteur et vous avez découvert Herman Nixon en 1973...
J'ai toujours affirmé avoir « découvert » Herman. Nous avions un lieu de répétition sur Market Street à Warner Robins. Bob ayant décidé de retourner à l'Université de Géorgie à Athènes et George s'étant engagé dans les commandos-marine, il ne restait plus que Bruce et moi au local de répétition. Tous les deux, nous travaillions sur nos propres compositions et nous auditionnions aussi à l'occasion des batteurs mais sans jamais en trouver un à notre goût. Un week-end, je me suis arrêté pour voir mon ami Rob Walker (qui rejoignit Stillwater peu de temps après cette histoire) au local de répétition de son propre groupe. Il avait un batteur que je n'avais jamais rencontré mais je remarquais qu'il était vraiment bon. Je décidais d'en parler à Bruce. Bruce et moi avions rendez-vous à notre local le mardi suivant pour travailler quelques morceaux. Je suis arrivé quelques minutes plus tôt. L'USO (un club de loisirs pour les militaires), qui se situait juste de l'autre côté de la rue par rapport à notre local, accueillait des groupes le mardi soir. Il y avait un groupe qui s'installait et c'était celui de Rob. Bruce est arrivé ensuite et je lui ai dit que je pensais que je nous avais trouvé un batteur. Il a dit « Nous allons lui faire passer une audition ! » Je lui ai répondu « Traversons la rue et écoutons-le ! » Herman a été invité à se joindre Roundhouse ce soir-là et voilà l'histoire !
Combien de temps Bob Brookshire fut-il membre de Roundhouse avant d'aller travailler avec des artistes comme Clarence Carter, Solomon Burke, Johnnie Taylor, Candi Staton, ZZ Hill ?
Bob est resté dans Roundhouse - ou l'un des groupes qui l'ont précédé - pendant environ trois ans.
John Samuelson vous a donc succédé au sein de Roundhouse. J'ai lu qu'il avait aussi été membre des Classics IV ?
John a fait plus tard un concert avec les Classics IV lors de l'un des splits de Roundhouse. J'ajoute aussi que lorsque j'étais avec Roundhouse avec Bruce et Herman, pour un court laps de temps, nous avons eu un organiste qui était en attente de partance pour l'armée et qui se nommait Eddie Stone.
Depuis quand connaissiez-vous Eddie Stone ?
Je connaissais Eddie depuis que nous avions déménagé à Warner Robbins. Nos pères étaient amis et leurs entreprises étaient sises l'une à côté de l'autre.
Qu'est-il advenu de Roundhouse après votre départ ?
En rentrant de l'armée, Ed a rejoint Roundhouse avec Bruce, John, et Herman. Ils se sont parfois séparés mais ils ont toujours fini par se reformer. Sur les deux groupes de Warner Robins, Capricorn décida de signer Stillwater. Le manager de Roundhouse conseilla au groupe pour augmenter ses chances de décrocher un contrat de rajouter un guitariste et c'est pourquoi ils ont fait appel à Rick Skelton. Peu de temps après, vers 1980, ils ont signé avec A&M. Le label a demandé de changer le nom du groupe et Roundhouse est alors devenu Doc Holliday. Tous les membres - que ce soient les membres actuels ou les anciens - perpétuent cette lignée qui remonte à ce groupe qui démarra à Grant's Lounge. Doc s'est séparé en 1985. Bruce et moi avons ensuite recommencé à jouer ensemble localement. En 1987, nous avons décidé de reformer le groupe et, en 1988, on a enregistré « Song For The Outlaw – Live ».
Vous souvenez-vous comment le terme « rock sudiste » est apparu et ce que vous en pensiez ?
Je me souviens que le terme « Southern Rock » date de quelques années avant que n'apparaissent Capricorn et l'Allman Brothers Band. Il faisait référence à des artistes comme Joe South, Tony Joe White, the Candymen, etc. Il désignait un rock and roll d'un genre plus bluesy. Il était de ce fait bien naturel que le terme soit utilisé pour l'Allman Brothers Band.
Êtes-vous resté avec Cisco jusqu'à la reformation de Doc Holliday ?
Pas du tout. J'ai quitté Cisco fin 1974. En même temps d'ailleurs que Barry Borden qui rejoignit Mothers Finest et que Grover Jackson, parti pour démarrer son business de guitare. J'ai rapidement déménagé dans le nord de la Californie, dans la Bay Area. J'ai suivi une formation de technicien de théâtre à l'Université d'État de San Jose. En même temps, je jouais de la basse avec un ami de lycée, Chuck Meese. On jouait du bluegrass, de la country traditionnelle et du Texas swing. Mon père devant subir une intervention chirurgicale à coeur ouvert - de laquelle il a survécu jusqu'en 2007 - je suis retourné à Warner Robins en 1977. Là, on m'a offert un emploi à l'US Mail, que j'ai accepté. J'y ai travaillé un peu plus de dix ans jusqu'à ce que Bruce et moi décidions en 1987 de reformer le groupe. Pendant ces dix années, j'ai souvent joué avec les gars de Doc / Roundhouse et de Stillwater, j'ai remplacé des bassistes au pied levé, parfois après quelques répétitions et parfois même sans. Il m'arrivait aussi d'accompagner des artistes qui venaient se produire dans le centre de la Géorgie sans avoir de groupe. J'ai aussi été dans plusieurs house bands, le plus connu localement étant le légendaire Sneakers. Il y avait dans le groupe Dru Lombar, le guitariste lead et chanteur de Grinderswitch, Bob Spearman, le claviériste de Stillwater, et notre vieil ami George Woods, le batteur original de Roundhouse, qui n'était plus à l'époque dans la Marine. Tous les musiciens du coin parlent encore de Sneakers et me posent des questions sur cette formation. C'était vraiment un bon groupe.
Quand était-ce ?
1983/1984.
Vous n'avez jamais prévu d'enregistrer quelque chose ?
On n'a jamais envisagé de le faire. Il est bien dommage que nous ne l'ayons pas fait. Le groupe était très bon.
Certaines des chansons du CD « Right Tonight » d'Eddie Stone sont signées par Wally Ford. Y a-t-il un lien entre les deux Ford ?
C'est mon frère aîné. Lui et Eddie ont quelques années de plus que moi et ils ont pas mal traîné ensemble quand ils étaient mômes. Nous vivions à quatre maisons d'écart sur la même rue.
Vous souvenez-vous comment est arrivé Stillwater ?
On vient juste, le 25 juillet dernier, de donner un concert Follies Reunion / Ronald Barnes Tribute, ici à Warner Robins. C'était un dîner assis semi-formel avec un spectacle prévu pour six cents personnes à cent dollars la place. Du milieu des années soixante jusqu'à la fin des années soixante-dix, notre lycée organisait un spectacle chaque printemps. Pour le spectacle de1972, Sebie Lacey et Mike Causey (Stillwater) ainsi qu'Eddie Stone et moi-même faisions des reprises des Beatles. Et le backing band chargé d'accompagner le reste des prestations lors de ce spectacle, c'était nous quatre plus Rob Walker et notre ami Chuck Meese. J'étais dans Roundhouse et Eddie étais sur le point d'être enrôlé. Mike, Sebie, et Rob allaient, quelques mois plus tard, se réunir avec Bobby Golden, son frère Kenny à la basse (plus tard remplacé par Al Scarborough) et Bob Spearman.
Certains des musiciens de Stillwater sont-ils partis de Warner Robins - comme les musiciens Roundhouse l'on fait - pour jouer dans d'autres groupes ou avec d'autres artistes ?
Rob Walker a rejoint l'Armée de l'Air au début des années quatre-vingt. Pendant toute la durée de son engagement, il a fait partie du groupe de l'Air Force. Il a pris sa retraite au bout de vingt-cinq ans et est maintenant musicien à plein temps avec le reste du Doc. Bobby Golden est parti travailler dans l'informatique et joue juste de temps à autres. Sebie et Mike sont des hommes d'affaires du coin et jouent à l'occasion. Al transporte le courrier et joue dans un groupe local, Uncle Earl and Friends. Bob Spearman est décédé. Les membres de Stillwater ne sont jamais partis comme l'ont fait les gars de Roundhouse / Doc. Depuis le milieu des années quatre-vingt, Stillwater ne fait guère habituellement qu'un concert réunion à Macon autour de Noël.
A-t-il été question au début des années soixante-dix que Rob Walker, Mike Causey, Bob Spearman, Bobby Golden, etc. rentrent dans Roundhouse ou que vous, Bruce, Eddie et Herman rejoignez Stillwater ?
Non, pas à l'époque, sauf pour Rob. Rob Walker fut dans Roundhouse avant d'être avec Stillwater. Mais ça n'a duré que quelques mois avant qu'il ne retourne à l'école. Son premier concert avec Roundhouse fut le troisième que nous avons ouvert pour Ted Nugent.
Tim et Gregg Brooks sont décédés ces dernières semaines. En dehors de l'album « Brothers Brooks », des deux CD de Tim (« See Rock City » / « Back In The Game ») et de deux morceaux sur une anthologie (« Peach State Blues, Vol. 1 »), je les connais bien mal. Pourriez-vous nous parler de leur carrière musicale ?
Tous les deux ont fait partie de plusieurs très bons groupes de la région de Macon pendant trente ans. Tim était un grand guitariste. Je me souviens que je sortais parfois dans la journée juste pour le voir jouer. Il a remporté un prix qui a conduit à l'enregistrement de l'album « Brothers Brooks », un disque que j'aime vraiment et je pense qu'il n'a pas été diffusé comme il le méritait. Le travail de la guitare sur cet album est fabuleux. Malheureusement, Tim a toujours eu à lutter contre des problèmes de santé et à certaines périodes, il ne pouvait pas se déplacer. Gregg est décédé moins d'un an après qu'on ait diagnostiqué son cancer. Eddie, Rob et moi avons été honorés de jouer à la Big House pour leur rendre l'hommage. La journée s'est terminée avec Gregg qui a chanté deux chansons ; c'était la dernière fois qu'il chantait. Il est décédé neuf jours plus tard.
Que pensez-vous de toutes ces années passées avec Doc Holliday, de 1987 à 2011 ? Quels sont vos souvenirs les plus marquants ?
Après avoir bossé un peu plus de dix ans pour les services postaux américains, j'ai pris un temps de réflexion. Je savais que si je continuais ce job, ce serait alors probablement pour le reste de ma vie. Je savais d'autre part que la musique était pour moi une vocation. Je n'avais aucun doute au sujet de mon amour à son égard. J'ai donc décidé de quitter mon poste. Big Daddy Mingus avait aussi travaillé pour la Poste pendant une période de sa vie avant de revenir à la musique... je pouvais peut-être être le Big Daddy du rock and roll ! J'ai toujours considéré Bruce comme étant un cran au-dessus de quiconque, que ce soit localement ou à l'échelle des États-Unis. Nous avons vite commencé à parler de monter un groupe ensemble. Je ne regrette rien. Nous avons enregistré « Song For The Outlaw – Live » et, en 1989, on a fait notre première tournée européenne. Entre 1989 et 2006, je suis allé cinquante-six fois en Europe. Mais quand nous sommes revenus de la tournée 2006, la maladie d'Alzheimer de mon père s'était à tel point développée que j'ai senti qu'il me fallait rester pour aider ma maman à prendre soin de lui. Peu de temps après son décès, en 2007, on a diagnostiqué un cancer à ma mère. Elle venait d'avoir une opération majeure quand il s'est agi d'organiser la tournée 2011. J'ai dit aux gars que je ne pouvais pas la quitter et ils ont tous approuvé ma décision. John joué de la basse sur la tournée. Je n'aurais pas pu travailler avec un groupe de types plus chics et je les aime tous beaucoup. Il y a tellement de bons souvenirs...
Quand j'ai quitté mon job à la Poste, ça a été une fête pour moi de pouvoir traîner de nouveau avec des musiciens. La préparation et l'enregistrement du premier album ont aussi été festifs. Je n'avais jamais pris l'avion avant, de sorte que le premier voyage pour l'Europe en 1989 fut un grand souvenir. Le premier jour de ma vie où j'ai jamais volé, j'ai décollé d'Atlanta pour New York et de là, je suis reparti pour Londres avant de changer de nouveau d'avion pour prendre l'air en direction d'Helsinki cette fois. Je me suis fait beaucoup de bons amis lors de cette première tournée et je suis toujours aujourd'hui en contact avec eux. Je me souviens de Bruce, lors de l'enregistrement de l'album Borderline à Stuttgart, m'annonçant pendant toute la journée une grosse surprise pour finalement voir que Rob Walker était lui aussi présent sur ce projet ! Un des plus grands souvenirs qui me reste, c'est d'avoir rencontré et passé du temps avec Deep Purple dans leur loge, en 1993 après le concert à Stuttgart lors de leur tournée de retrouvailles. Discuter et boire des bières pendant des heures avec Jon Lord et Ian Paice ! Les rencontrer ainsi que Nazareth, John Kay, Bo Diddley et d'autres idoles de ma jeunesse furent certainement ceux de mes souvenirs qui me donnent le plus de frissons. En 1991, après une longue tournée d'été, j'avais un break de deux semaines de vacances à Helsinki. Le reste du groupe était retourné aux États-Unis pour ces vacances mais moi je suis resté à Helsinki pour les deux semaines avec une belle fille que j'avais rencontrée l'année précédente ! La célébration du Millénaire de Berlin fut le plus grand évènement auquel j'ai participé. Trois jours et trois nuits de musique avec le Doc qui fut le dernier groupe à se produire à la Porte de Brandebourg, s'arrêtant de jouer quelques minutes avant minuit pour le Nouvel An. Plus le temps passe, plus les jours de congés à Helsinki, Berlin, Paris, Londres, Stuttgart et bien d'autres endroits se détachent dans ma mémoire. Nous avons développé tant d'amitiés si étroites. Je pense en particulier à Helsinki et à Stuttgart où vivent nos chers amis Peter et Wautraub. Il y a aussi les gars du groupe Lizard. Tous sont nos frères. Il y a plusieurs endroits en Europe où nous avons joués à de nombreuses reprises au fil des ans et qu'on a toujours appréciés. Le Spirit of 66 de Verviers, en Belgique, en est l'exemple parfait. Nous pouvions toujours être sûrs de passer un bon moment et d'être avec des gens merveilleux. Mais toutes ces choses et d'autres encore ne sont en fait pour moi que du bonus. Car à la base, je veux juste jouer de la basse.
Eddie Stone avait parlé dans l'interview que nous avions faite en novembre d'une tournée européenne et d'un nouveau CD pour le début de 2015. Qu'est-il arrivé ?
Le 8 décembre 2014, j'ai eu une crise cardiaque. Pendant quelques temps, je n'ai plus pu me tenir debout ni marcher. Au même moment, le père d'Eddie est tombé malade et il est décédé fin mars. On m'a posé trois stents aux trois principales artères du coeur. Mais il y a deux semaines, j'ai eu mon check-up des six mois et mon cardiologue m'a autorisé à voler, voyager, bref à reprendre une vie normale. Je me sens mieux que je ne l'ai été depuis vingt ans. La première semaine de juin, j'ai pu jouer en extérieur avec la chaleur qui règne en Géorgie. Je l'ai fait quatre jours de suite et je savais donc déjà que j'étais prêt. Nous mettons maintenant en place des répétitions pour apprendre les chansons que nous allons enregistrer.
La clé pour le groupe est maintenant de faire un CD. Les agents et promoteurs en réclament un. Et un nouveau disque signifiera presque forcément une nouvelle tournée européenne. C'est donc notre priorité.
Des compos originales ? Pas de reprises ? Qui compose ?
Eddie, Michael et Rob sont les auteurs compositeurs mais j'apporte aussi parfois ma pierre. On se demande si on ne va pas faire une reprise mais on ne veut pas dévoiler ce que ce sera.
Chronologie
Roundhouse
1971-1972 ?
Charles Glover - chant
Bruce Brookshire - guitare
Daniel Bud Ford – basse
Bob Brookshire – claviers, harmonica, guitare
George Woods – batterie
1972 ? – 1973
Bruce Brookshire - chant, guitare
Daniel Bud Ford – basse
Bob Brookshire – claviers, harmonica, guitare
George Woods – batterie
(Pendant 7 mois : Rob Walker – guitare)
1973 - 1973
Bruce Brookshire - chant, guitare
Daniel Bud Ford – basse
1973 – 1974
Bruce Brookshire - chant, guitare
Daniel Bud Ford – basse
Hermann Nixon – batterie
(Durant une courte période : Eddie Stone – claviers)
1974 – 1975
Bruce Brookshire - chant, guitare
John Samuelson – basse
Hermann Nixon – batterie
1975 – 1979
Bruce Brookshire - chant, guitare
John Samuelson – basse
Hermann Nixon – batterie
Eddie Stone – claviers
1979 – 1981
Bruce Brookshire - chant, guitare
John Samuelson – basse
Hermann Nixon – batterie
Eddie Stone – claviers
Ric Skelton – guitare
1981 : Roundhouse => Doc Holliday
1981 – 1984 ?
Bruce Brookshire - chant, guitare
John Samuelson – basse
Hermann Nixon – batterie
Eddie Stone – claviers
Ric Skelton – guitare
1984 – 1985 ?
Bruce Brookshire - chant, guitare
Eddie Stone – claviers
John Samuelson – basse
Ross lindsey – batterie
1985 – 1985 or 1986 ?
Bruce Brookshire - chant, guitare
Eddie Stone – claviers
John Samuelson – basse
Jamie Deckard – batterie
[Tony Cooper : piano - 1985-1986 ??]
[Tommy "Too Tall" Evans : 1986-1987 ??}
1987 – 1988
Bruce Brookshire - chant, guitare
Daniel Bud Ford – basse
Billy Yates - guitare
John Vaughn : batterie
Karen Barlow, June Reppert ?
1988 - ? (entre 1996 et 2000)
Bruce Brookshire - chant, guitare
Daniel Bud Ford – basse
Danny « Cadillac » Lastinger – batterie
John Samuelson – guitare
[Tim Elliott : 1994 -1996]
[Billy Yates : 2000 ?]
? (Between 1996 and 2000) – 2011
Bruce Brookshire - chant, guitare
Daniel Bud Ford – basse
Danny « Cadillac » Lastinger – batterie
John Samuelson – guitare
Eddie Stone – claviers
2014 – 2014
Eddie Stone – chant, claviers
Daniel Bud Ford – basse
Rob Walker – guitare
Michael Gilbert - guitare
Leroy Wilson - batterie
2014 – 2016
Eddie Stone – chant, claviers
Daniel Bud Ford – basse
Rob Walker – guitare
Michael Gilbert - guitare
Ross Lindsey - batterie
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La plus grande histoire du rock & roll jamais racontée
(par Daniel Bud Ford)
5 Novembre 1974. Le premier Mardi. Le jour des élections dans le pays. Le Tennessee, comme bien d’autres États, élisait un nouveau gouverneur. Ray Blanton, le représentant du Parti Démocrate allait remporter ces élections, battant Lamar Alexander, son rival Républicain.
Je vivais à Atlanta et jouais dans un groupe du nom de Cisco composé de Mitch Faulk, Cynthia MacDaniel, Barry Borden, Grover Jackson et moi-même. Le groupe avait aussi deux roadies que j'avais recruté à Warner Robbins : Steve Dempsey et Randy Stone, le jeune mais costaud frère d'Eddie. On avait un engagement à Atlanta avec le légendaire Steve Cole. Il avait de nombreux bars de Cincinnati et St Louis jusqu'à Miami. Il nous faisait beaucoup jouer.
On venait de finir une tournée de quelques semaines en Caroline du Nord, et on arrivait dans le Tennessee pour le prochain concert de notre parcours. On était engagés du mercredi au dimanche dans un club de Knoxville. On est arrivé le mardi, une semaine avant les élections.
Le groupe s'est installé au Andrew Johnson Hotel dans le centre de Knoxville. Cet hôtel est réputé pour avoir été le dernier endroit à avoir vu Hank Williams Sr en vie. Knoxville est un lieu important pour la country. Le vieux et monumental bâtiment qui abrite la mairie, les bureaux du sheriff, et d'autres bureaux administratifs étaient situés à côté de la quatre voies jouxtant l'hôtel. C'était l’artère principale de Knoxville à l'époque.
La semaine au club s'est bien passée. On s'est bien éclatés et on a rencontré des gens très bien. Pour s'amuser encore un peu, on a décidé de rester à Knoxville une nuit de plus. Le prochain club où l'on jouait n'était pas très loin de Knoxville. On pensait que c'était mieux de rester ce lundi soir là et de ne partir que le mardi, le jour des élections, pour le court trajet que l'on aurait à faire.
Le mardi, nous nous sommes levés et nous nous sommes préparés à quitter l'endroit. D'expérience, on savait qu'il valait mieux nettoyer la chambre avant de partir. Ça évitait des frais supplémentaires. Dix minutes avant l'heure limite pour rendre la chambre, nous étions dans le hall. Cynthia, qui gérait ce genre de choses se rendit au guichet pour s’occuper des formalités de départ. Mitch, son petit copain y est allé avec elle. Nous attendions dans le hall. On avait demandé à Steve d'aller chercher notre van dans le parking derrière le bâtiment et de nous attendre devant l'hôtel. Les choses se sont alors accélérées.
Alors que l'on était dans le hall, face à la porte de sortie, on a remarqué quelque chose. Des centaines de mecs en chemise blanche et cravate, la veste de costume sur les épaules, sortaient d'une grande porte double sur la gauche du hall et entraient dans un restaurant sur la droite du hall. La grande porte double sur la gauche était la porte d'entrée de la salle de bal du restaurant. On a appris plus tard que c'était le quartier général de campagne de Ray Blanton et que la célébration de sa victoire se tiendrait dans cet endroit le soir même. Tous ces démocrates du Tennessee traversaient le hall pour aller déjeuner. La façade du restaurant était complètement vitrée, on pouvait voir le palais de justice, la quatre voies et le large trottoir depuis l'hôtel. Un jour d'élection à Knoxville.
Alors que l'on regardait ces mecs aller déjeuner, amusés par leur nombre, on se rendit compte que le ton s'élevait au guichet. Le responsable de l'hôtel voulait nous faire payer 100 dollars de plus pour des dommages causés dans les chambres. Cynthia disait que non seulement on n'avait rien dégradé mais que l'on avait aussi nettoyé les chambres. Une dispute éclata et le ton de celle-ci se mis à enfler de plus en plus. Finalement, Cynthia – qui ne souhaitait alors plus qu’une chose, partir - négocia un arrangement avec le responsable et on elle paya 50 dollars de plus. Une fois le problème réglé, on s'est dirigé vers la porte de sortie.
Alors que l'on franchissait les portes pour sortir, Mitch, qui avait tendance à s'énerver facilement, se retourna et gueula quelque chose à l'attention du manager de l'hôtel. Une fois sortis, nous avons tourné à droite et pris le trottoir devant le restaurant pour aller attendre le van sur le côté de l'hôtel. Je dois ajouter ici que Mitch qui avait insulté le manager avait une plaque à l'arrière de la tête.
Le manager de l'hôtel avait bondi de derrière le guichet et s’était mis à courir en direction de Mitch. Randy et Grover étaient quelques mètres derrière Micth. Ils virent le manager se précipiter pour aller frapper Mitch à l'arrière de la tête, ce qui aurait pu lui être fatal. Randy et Grover assénèrent alors simultanément un coup de chaque côté de la tête du manager. Randy portait une bague qui arracha quasiment l'oreille du manager. Les genoux de celui-ci flanchèrent et il se retrouva au sol.
Les mecs qui étaient en train de se restaurer virent la scène et commencèrent à se précipiter sur le trottoir. Ils étaient trente fois plus nombreux que nous. Les coups volaient de partout. C'est alors que Steve arriva avec le van, vit que l'on était impliqués dans une bagarre et qu’on était en mauvaise situation. Excité, il rapprocha le van et le laissa en plein milieu de la rue, bloquant la circulation dans les deux sens. Des centaines de voitures furent rapidement bloquées et se mirent à klaxonner. La circulation dans Knoxville était au point mort, à midi, le jour des élections. Chacun de nous se retrouvait avec un groupe d'hommes sur le dos. Steve aperçu Barry, un type certes de petite taille mais plutôt sauvage, et il décida d'aller l'aider. Il maintenait Steve derrière lui tout en essayant de repousser les chemises blanches. On aurait dit qu'ils faisaient la queue pour venir s'en prendre à Steve et il les écartait les uns après les autres. Steve portait une salopette en jean, sans sous-vêtements. À force de repousser les chemises blanches, elle commençait à tomber.
Les klaxons des voitures devenaient assourdissants. Les gens commençaient à sortir de leur véhicule. Quelques-uns vinrent à notre secours mais la plupart rejoignirent le clan des chemises blanches. Il y avait des kilomètres de bouchon.
Personne ne savait plus pour quelle raison il y avait cette bagarre. Les gens se tapaient tout simplement dessus. C'est à ce moment que je suis arrivé au coin de la rue et que j’ai pu observer la scène. Ça ressemblait à une scène de film. Des centaines de coudes, poings et de pieds qui se battaient. Puis c'est monté d'un cran.
Je regardais de l'autre côté de la rue et tout le monde avait quitté les bureaux pour nous rejoindre. Il semblait que chaque shérif adjoint du comté se pointait vers le lieu de la bagarre avec une matraque. Les adjoints ont alors commencé à disperser la foule. À un moment donné, je me suis senti soulevé par l'arrière du pantalon par deux adjoints et c'est comme ça que j'ai traversé la rue et me suis retrouvé en prison. C’était la première fois que je me retrouvais derrière les barreaux. Les uns après les autres, nous avons tous les sept été placés en détention.
Ils sont allés déplacer le van, l'ont fouillé sans rien trouver. On a été inculpé de « bagarre sur la voie publique ». Après avoir déposé en garantie une bague de diamant de Cynthia et une de mes basses, on a pu reprendre la route.
On y est retournés quelques semaines plus tard pour l'audience. Après les préliminaires de la procédure, le juge annonça : « bagarre sur la voie publique ? Aucune charge. Dossier débouté ». Le manager de l'hôtel qui avait un bandage autour de la tête grand comme un chou-fleur était furieux. Il se leva et cria : « Je demande à voir l'avocat général ». Il fut tout simplement ignoré. Cynthia et moi-même avons récupéré nos biens et l'épisode fut clos. On est montés dans le van et sommes partis pour le prochain concert.
Note : Ray Blanton, qui fût élu gouverneur ce même jour, ira plus tard en prison pendant deux mois et paya une amende de 11 000 dollars pour complot, extorsion de fonds et fraude au courrier pendant qu'il était gouverneur.
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