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Paul Hornsby
Capricorn Records
Hourglass
Interview par Luc Brunot.
Traduction par Dominique Turgot et Luc Brunot.
Publié dans Bands Of Dixie n°37 (janvier - février 2004)
Paul Hornsby
Dans notre "combat" pour la connaissance et surtout la reconnaissance du Southern rock, nous ne pouvions laisser plus longtemps sous silence le rôle de certains producteurs comme Al Kooper, Jimmy Johnson, Tom Dowd, Johnny Sandlin ou Paul Hornsby. Ce dernier nous a accordé un entretien au cours duquel il a ouvert sa malle aux souvenirs, véritable livre d'histoire du rock sudiste puisqu'il a travaillé avec rien de moins que les frères Allman, le Marshall Tucker Band, Charlie Daniels, Wet Willie, etc. Une carte de visite en forme de who's who du Southern rock.

Nous vous connaissons comme producteur et organiste. Comme organiste, la plus vieille chose connue est votre travail avec Duane et Gregg Allman au sein des Hourglass. Mais avant, d'où venez-vous et que faisiez-vous avant de rencontrer les frères Allman ?
Je suis né et j'ai grandi dans une petite ville de l'Alabama, qui s'appelle New Brockton. Tout en suivant les cours de l'Université d'Alabama à Tucaloosa, je jouais dans quelques "college bands". Le plus connu était les Men-Its. Nous avons eu ce groupe environs trois ans. Nous faisions du rhythm & blues ainsi que des reprises de morceaux anglais. J'étais avec ce groupe lorsque j'ai fait mes premières sessions professionnelles d'enregistrement à Muscle Shoals et à Birmingham, Alabama. Parmi les membres des Men-Its, il y avait Johnny Sandlin, qui fut plus tard membre des Hourglass et producteur de l'Allman Brothers Band. Un autre membre était Eddie Hinton. Nous avons perdu Eddie il y a environ huit ans. Il est devenu bien connu comme guitariste de session et auteur de chansons à Muscle Shoals. Lui et moi avons développé le concept des doubles guitares jouées en harmonie que les Allman Brothers plus tard amenèrent vers d'autres sommets. Comme c'est souvent le cas, Eddie est maintenant plus célèbre que de son vivant. Je devine que je suis devenu connu en tant que joueur de clavier mais à cette époque, je jouais de guitare à peu près la moitié du temps.
The Men-Its
Pourquoi après les Men-Its n'avez-vous pratiquement joué de guitare ?
Jusqu'à la formation des Hourglass, je jouais pas mal de guitare. Je jouais des claviers uniquement parce que j'étais le seul dans le groupe qui le pouvait. Mais après, j'ai commencé à jouer de la guitare avec Duane Allman. Personne ne pouvait l'égaler. Il était si incroyable que je ne pouvais qu'être en retrait et j'ai vraiment commencé à me spécialiser au clavier. J'ai juste essayé d'être aussi mémorable aux claviers que lui l'était à la guitare (ça qui n'a pas été facile).
Comment avez-vous rencontré Gregg et Duane ?
Je faisais un remplacement avec un groupe à Mobile, Alabama. Un des membres du groupe avait vu Duane et Gregg avec les Allman Joys dans un club en ville. Il leur proposa de venir jouer avec nous. Nous nous sommes bien entendus et sommes devenus de grands amis dès le début . Plus tard, ils entendirent notre groupe, les Men-Its, et nous suggérèrent de contacter leur agent à Nashville. Nous avons fait une audition pour l'agent et nous sommes partis sur la route, jouant le même circuit de clubs que les Allman Joys. Nos deux groupes, les Men-Its et les Allman Joys se poursuivirent mutuellement pendant plusieurs mois dans tout le Sud et le Midwest, jouant le circuit des petits clubs. C'était à la fin de 1966 et au début de 1967. A ce moment là Eddie Hinton, notre leader et chanteur guitariste, décida de quitter le groupe et de commencer à jouer comme musicien de studio à Muscle Shoals. En l'espace de quelques semaines, les Allman Joys perdirent leur batteur appelé sous les drapeaux puis leur bassiste les quitta. Duane m'a appelé pour savoir s'il serait possible pour lui et Gregg de se joindre aux membres restants des Men-Its. Ce fut la naissance des Hourglass.
Quel type de musique jouait les Hourglass ?
Nous avons répété quelques semaines dans le garage des parents de Johnny Sandlin. Nous prenions le répertoire que nous connaissions des Men-Its et le mélangions avec celui des Allman Joys et nous avions ainsi assez de matériel pour un concert d'une nuit. Ensuite, nous avons obtenu un long mois d'engagement à St Louis, au Pepe's-a-Go-Go. Il y avait là le Nitty Gritty Dirt Band, avec leur manager Bill McEuen. Ils nous entendirent et nous dirent de venir à Los Angeles. McEuen devint notre manager et nous obtint un contrat avec Liberty records. Nous jouions un répertoire basé sur pas mal de blues et de rhythm & blues ainsi que des morceaux des Yarbirds et des Beatles. A ce moment, nous n'avions qu'une poignée de morceaux originaux et nous n'étions pas ensemble depuis assez longtemps pour en avoir plus. La compagnie discographique se débarrassa sur nous d'un paquet de démos et nous dit "Voilà votre enregistrement, apprenez-les". Nous avons enregistré deux LP vraiment pas mémorables pour Liberty. Aucun des titres ne représentait ce que nous jouions live. Dans notre set en public, nous avions des standards comme "Statesboro Blues", "Stormy Monday", "Turn Your Love Light" et d'autres qui devinrent plus tard des succès de l'Allman Brothers Band. Nous faisions "Dimples" avec Duane et moi jouant les parties à deux guitares jouant en harmonie. C'étaient les mêmes arrangements que Eddie Hinton et moi-même jouions au sein des Men-Its. Le même arrangement également fut plus tard enregistré sur une bande live des Allman Brothers avec Duane et Dicky Betts faisant nos parties de guitare. Voilà comment les morceaux se sont transmis. Je pense que les Hourglass sonnaient à peu près comme vous vous attendriez à ce que le prédécesseur de l'Allman Brothers Band doive sonner. Nous étions un groupe basé sur le blues qui a élaboré sa musique avec ce que nous avions connu en grandissant dans le Sud.
Hourglass
Les Hourglass ont donc enregistré deux albums en 1967 et 1968. Pourquoi le groupe s'arrêta-t-il ensuite ?
Eh bien, comme je le disais, on n'exploitait que ce qui était sur notre album. C'étaient des titres assez faibles. Même si nous jouions dans plus grands endroits qu'un groupe puisse jouer en Californie et alentours, comme le Whiskey, le Fillmore, Avalon Ballroom. Nous avons aussi joué dans des stades avec les plus grands groupes de l'époque. La seule chose qui nous manquait était un hit. Nous avons mis le feu partout en Californie mais nous n'avons pas réussi à percer, cela aurait demandé que l'on enregistre un hit. En fin de compte, Los Angeles sonna notre glas, spécialement Duane, à la fois professionnellement et personnellement. En 1968, nous sommes revenus dans le Sud et nous avons joué lors de quelques engagements. Nous nous sommes ensuite séparés après quelques semaines.
Après le split, il me semble que vous êtes devenu musicien de studio. Est-ce vrai et avec quels artistes avez-vous enregistré ?
Après la séparation des Hourglass, je suis revenu à Tucaloosa et j'ai formé un groupe qui s'appelait "South Camp" avec Chuck Leavell, à l'époque un lycéen adolescent, qui joue maintenant avec les Rolling Stones. Il y avait aussi dans le groupe Charlie Hayward, maintenant bassiste pour Charlie Daniels et Bill Stewart, futur batteur studio pour Capricorn. J'ai aussi commencé à faire d'occasionnelles sessions à Muscle Shoals. A ce moment, Duane Allman avait migré à Muscle Shoals comme musicien de studio. Un jour, au printemps 1969, il m'a appelé pour jouer quelques titres qu'il avait en tête pour lui-même en tant qu'artiste. Phil Walden et Jerry Wexler avaient des plans pour monter un groupe autour de lui et, essentiellement, ils voulaient reformer les Hourglass. Tout en déclinant cette offre, moi en même temps que Johnny Sandlin avons consenti à venir à Macon, Ga pour devenir des musiciens de session aux studios Capricorn de Phil Walden.
South Camp a-t-il enregistré ?
Non.
Drinking Man's Friend
Quand avez-vous commence à produire des disques ? Comment cela s'est-il passé ?
Ce fut aux studios Capricorn que je me suis essayé à la production. J'avais parlé à mes vieux copains, Chuck Leavell et Charlie Hayward, de venir et de devenir membres d'un groupe appelé Sundown. Bon, le LP ne fut pas très bon mais au moins cela a fait venir ces deux grands musiciens à Macon. L'enregistrement suivant que j'ai produit fut bien meilleur. C'était avec un groupe qui s'appelait Eric Quincy Tate. "Drinking Man's Friend" ne fut pas un énorme succès mais il obtint de bonnes critiques. Ensuite, comme le label Capricorn records a décollé, un groupe de Caroline du Sud vint et fit quelques démos. Ils furent appelés le Marshall Tucker Band. Ils furent signés par Capricorn et j'ai alors été considéré comme un producteur de Capricorn. J'ai produit leurs cinq ou six LP suivants. Le reste est de l'histoire. Charlie Daniels devint ami avec le Marshall Tucker Band et joua en invité sur leur second LP. Charlie et moi nous entendîmes bien et j'ai fini par produire ses cinq disques suivants. D'autres disques que j'ai produit furent ceux du Wet Willie Band ("The Wetter The Better"), Bobby Whitlock ("Rock Your Sox Off"), Kitty Wells ("Forever Young") et d'autres. Pendant ce temps, je continuais à jouer sur divers enregistrements qui sortaient chez Capricorn.
Forever Young
Le disque de Kitty Wells, c'était sur Capricorn ? C'était du rock sudiste ? Quels étaient les musiciens ?
C'était un disque Capricorn. J'ai pris cet album comme un challenge. Kitty Wells est une artiste plus vieille et cantonnée à la country . On a toujours fait référence à elle comme reine de la musique country. Je l'avais entendue au "Grand Ole Opry" quand j'étais un enfant. J'ai pensé que mes parents seraient pour le moins impressionnés. Presque tous les musiciens de l'écurie Capricorn voulaient participer à cet album. Les musiciens et chanteurs qui y contribuèrent furent : Johnny Sandlin, Scott Boyer, Tommy Talton, Chuck Leavell, Paul Hornsby, Richard Betts, Toy Caldwell, John Hughey, David Brown, Bill Stewart, Donna Hall, Ella Avery, Mary Dorsey, Diane Pfeifer and Joyce Knight. Je voudrais bien savoir ce que cette vieille dame de la country a pensé quand elle a été poussée dans un studio de rock & roll plein de hippies à Macon, Ga !! Au début, elle semblait accablée mais en fin de compte elle a commencé à faire confiance à nos instincts musicaux. Je pense que nous avons enregistré un album passablement bon. Dans une conversation avec son petit-fils, il y a quelques années, il disait qu'ils essayèrent ensuite plusieurs fois de capturer de nouveau ce son avec elle mais y échouèrent.
Rock Your Sox Off
Au sujet de "Rock Your Sox Off" de Bobby Whitlock, il y a une multitude d'invités : : Dru Lombar, Jimmy Nalls, Rick Hirsch, Jimmy Hall, Les Dudek, Chuck Leavell et d'autres encore. Etais-ce un enregistrement spontané et enregistriez-vous un morceau avec les musiciens qui étaient là à ce moment ?
Le noyau du projet, c'était Kenny Tibbets à la basse, Jerome Thomas à la batterie, Bobby aux claviers et pour commencer Les Dudek à la guitare. Durant les premières phases d'enregistrement, Les abandonna le projet et Jimmy Nalls embarqua. C'était le line-up de base de l'enregistrement. Chacun des autres fut ajouté comme invité ponctuel après. C'est devenu une pratique commune pour les disques que nous avons faits ensuite. L'album de chacun était une sorte de réunion de famille. Tous les musiciens sudistes aimaient ces sessions où ils se retrouvaient ensemble.
En tant que producteur, quel était votre travail ?
Eh bien, des projets différents requièrent des approches quelques peu différentes. Avec le Marshall Tucker Band, j'étais une sorte de membre supplémentaire du groupe dans le studio. Leur répertoire était principalement élaboré dans le studio. Avec leurs tournées excessives, ils n'avaient pas trop de temps pour mettre en place de nouveaux morceaux. Une partie de ceux-ci commençaient en studio avec juste une graine d'une idée de Toy Caldwell, le "lead guitarist" du groupe et principal compositeur. Il devait avoir les paroles et les changements d'accord pour la chanson. Lui et les autres membres du groupe s'asseyaient dans le studio, en même temps que moi au piano et on essayait les idées jusqu'à ce que ça sonne bien sur la bande. J'ai joué du clavier sur la plupart de leurs titres. Sur certains, j'étais aussi l'ingénieur. Je pense que vous diriez que je faisais juste quoi que ce soit qui fut nécessaire pour obtenir que le boulot soit réalisé. Charlie Daniels, d'un autre côté, avait une approche différente. Son style venait plus d'un artiste seul avec un groupe derrière en point de mire. Au moins dans le fait qu'il écrivait les chansons, les chantaient, les jouaient dès le départ. Les idées s'assemblaient principalement avant qu'il ne vienne en studio. Aussi, il avait déjà un grand pianiste dans le groupe qui s'appelait "Taz" DiGregorio. J'ai dû au maximum jouer sur deux ou trois de ses chansons. Avec eux, j'essayais de rester au maximum en dehors du chemin et d'être une oreille extérieure. Encore une fois, je faisais parfois l'ingénieur, jouais parfois et aidais à prendre les décisions musicales. Avec tous les autres projets, c'était à peu près la même approche. Ils étaient tous différents et demandaient différentes choses.
Du fait que le Marshall Tucker Band n'avait pas de joueur de clavier, n'avez-vous pas eu l'opportunité et l'envie de devenir un membre du MTB et de tourner avec eux ?
Ils m'ont proposé le job au début mais bien que flatté, je voulais continuer le travail de studio. Je pensais que c'était ce pour quoi j'étais fait.
En studio avec le CDB
Avant d'enregistrer "Fire On The Mountain", la musique des LP précédents ("Te John, Grease & Wolfman", "Honey In The Rock", "Way Down Yonder") du Charlie Daniels Band était plus orientéé vers un blues rugueux que sur ce premier disque que vous avez produit pour eux, où la musique est plus douce et plus country. Etes-vous à l'origine de cette modification de style ?
La première fois que j'ai entendu le CDB, il jouait pas mal de choses qui sonnait comme les Allman Brothers. Ils le faisaient bien mais, pour moi, ça ne sonnait pas frais, pas original. Ensuite, à la fin de la soirée, pour un rappel, Charlie a sorti son violon et a commencé à jouer "Orange Blossom Special" . Le public est devenu fou. Il en a fait deux autres comme ça et a pris aussi son banjo. C'était tellement différent du set précédent et le public appréciait visiblement ça. J'ai fait remarquer à Charlie que c'était quelque chose qu'il devrait faire plus et amener en avant du set. Que ce soit à cause de mon avis ou parce qu'il y est arrivé par lui-même, c'est ce qui s'est passé finalement. Vous vous souvenez que "Fire On The Mountain" ne contient pas beaucoup de morceaux avec du violon. Je me rappelle, on avait cet instrumental dont le titre, à l'époque où on le travaillait, était "Fiddle Boogie". Pendant tout le projet, je ne manquais pas de demander à Charlie de lui écrire des paroles. Finalement, au dernier jour d'enregistrement, je lui demandais de nouveau et il prit environ une demi-heure et revint avec les paroles de "The South's Gonna Do it Again" ! Et c'est comme ça que ce morceau est né. Ensuite, après que le disque soit sorti, la radio WLS à Chicago a commencé à jouer ce titre. Chacun fut surpris qu'une chanson avec violon soit jouée sur une radio de Chicago. La compagnie discographique décida de sortir ça comme premier single. Quel excellent choix ! Cet enregistrement donna à peu près la direction et le ton pour les futurs albums de Charlie Daniels.
Paul Hornsby, Charlie Daniels et Toy Caldwell
Y a-t-il une relation entre le titre du LP "Fire On The Mountain" de Charlie Daniels et la chanson "Fire On The Mountain" de "Searchin' For A Rainbow" du Marshall Tucker Band ?
Sur l'album "Fire On The Mountain", il n'y a pas de chanson avec ce titre. Le titre vient d'un vieux morceau de violon du même nom, il a inspiré le nom de l'album. Ensuite, après qu'il soit sorti, George McCorkle du Marshall Tucker Band regardait justement l'excellente pochette de cet album et fut inspiré par ce titre pour écrire sa chanson. Le titre de l'album et le titre de la chanson par ces deux groupes a toujours causé un peu de confusion.
Combien de disques produisiez-vous annuellement à Capricorn ? Combien de disques y étaient-ils enregistrés chaque année ?
Je n'ai jamais vraiment compté. Je suis sûr que ça variait selon les années. Les seuls chiffres qui sont restés dans ma tête sont qu'en 1975, j'ai eu quatre disques en même temps dans les charts. Ça a été la meilleure année de ma vie. En plus du succès discographique cette année là, j'ai fêté mes trente ans et mon premier fils est né ! Je ne pourrais vous donner aucun chiffre sur les ventes de disques pour Capricorn pour une année donnée.
"Where We All Belong" du Marshall Tuker Band est constitué d'un disque studio et d'un disque live. Qui a eu l'idée de faire ça ?
Je ne me souviens pas si une personne a eu cette idée. Le Marshall Tucker Band a toujours été un puissant groupe de concert. C'est toujours une ambition de groupe de faire si possible un enregistrement public. C'était le cas à ce moment là. Par ailleurs, ils avaient également écrit quelques bons titres, bien que qu'ils ne fussent pas encore travaillés pour cet album. Je pense que c'était une bonne idée de réaliser ce concept mixte "live et studio". Pourquoi pas ? Ca montrait les deux faces du groupe et ça donnait aux fans le meilleur de ce qu'ils avaient à offrir.
En studio avec le MTB
Pouvez-vous nous raconter quelques-uns de vos souvenirs avec le Marshall Tucker Band ?
Je pense que mes meilleurs souvenirs avec Tucker datent de l'enregistrement de leur premier album. A cette époque, ils n'étaient pas devenus un groupe de tournées. La plupart des membres avaient un travail le jour. Je me souviens de Toy Caldwell qui conduisait les quatre heures de Caroline du Sud pour venir à Macon, jouant aux sessions après avoir travaillé toute la journée comme plombier. Ils avaient cette fraîcheur, cette ardeur de jeunesse à cette époque et étaient heureux d'avoir juste la chance de faire quelque chose dans le monde de la musique. Nous étions alors passablement affamés. Je n'avais alors jusque là pas prouvé mes capacités de producteur. Le son du groupe n'était pas alors aussi défini qu'il le fut plus tard. Nous avions plus d'espace pour expérimenter en studio. Nous avons passé huit semaines, travaillant nuit et jour sur ce projet, essayant de créer un son qui n'avait jamais été fait jusque là. C'était beaucoup de temps consacré à un projet. Quand nous avons émergé du studio à la fin de deux mois, nous avions été si proches de ce truc qu'aucun de nous n'avait aucune idée de ce qui était bon ou nul. Je ne suis pas sûr que Capricorn ait su quoi faire de l'un et l'autre. Finalement, après que le groupe ait commencé à ouvrir lors des concerts des Allman Brothers, ils se firent pas mal remarquer et les fans les aimèrent. Capricorn décida alors qu'il était temps de tenter le coup et de sortir le disque. Il a obtenu immédiatement de bonnes critiques et grâce à l'exposition combinée que le groupe avait obtenue en tournant avec les Allman, l'élan fit que le disque décolla.
Est-ce qu'il y avait plusieurs studios à Capricorn ou n'y avait-il aucun autre groupe qui enregistrait à ce moment ? Pouvez-vous nous décrire un peu comment étaient les studios Capricorn ?
Il y avait un seul studio. Bien qu'il ait été référencé comme Capricorn "studios", il y avait une seule pièce d'enregistrement. Je pense que la référence aux "studios" venait du fait qu'il y avait une pièce secondaire laissée comme zone de répétition. Nous avons toujours pensé pouvoir peut-être la transformer en studio B mais nous ne l'avons jamais fait. Je n'ai pas les plans des dimensions mais je pourrais dire que la pièce du studio faisait environ 25' sur 40'. C'était une pièce de dimensions assez bonnes et la plus grande partie de l'espace n'a jamais été utilisé. Probablement, le meilleur usage de tout cet espace, aurait été d'avoir l'équipement d'un groupe installé à un bout de la pièce pendant qu'un autre l'aurait été à l'autre extrémité. Nous organisions des sessions avec l'une qui se tenait dans la journée et une autre la nuit. Johnny Sandlin et moi avons fait la plupart de ces sessions. Le poste de commande était assez considérable. Il avait été conçu au début des années 70 par Tom Hidley et était à l'époque le plus grand poste de commande qu'il ait fait.
Grinderswitch
Vous avez travaillé avec beaucoup d'autres groupes, spécialement, comme vous le disiez, le Charlie Daniels Band (cinq disques) mais aussi Grinderswitch (cinq disques également).
Premièrement, Grinderswitch, pour ce que je m'en souviens, était un projet secondaire monté pour Dicky Betts. Quelques-uns des membres étaient roadies pour les Allman Brothers. Ils n'avaient pas de clavier au début. Je me souviens des débuts, élaborant avec eux certains morceaux avec moi au piano. Nous avons enregistré plusieurs faces et après que Capricorn ait écouté les bandes, ils décidèrent de nous laisser terminer le LP. "Honest To Goodness" est sorti sans trompette ni fanfare mais il sonnait si bien que nous avons fini par en faire plusieurs autres. Après les deux premiers, le groupe a ajouté un grand joueur de clavier, Steve Miller. A partir de là, j'ai juste été le producteur et l'ingénieur de leurs disques.
Vous n'avez jamais eu l'opportunité de produire l'Allman Brothers Band ?
Eh bien, Johnny Sandlin et moi-même étions à ce moment là les deux producteurs de l'équipe chez Capricorn. Johnny a eu le job avec les Allman pendant un moment. Ils ont parfois eu d'autres producteurs mais l'occasion ne s'est jamais présentée pour moi de travailler avec eux.
Vous êtes crédités comme producteur sur les Volunteer Jam "II" et "III & IV". Dans une compilation live comme ces disques, quel était votre rôle ?
Pour ce qui est des Volunteer Jam, j'aurais aimé avoir plus de plaisir à être juste à écouter dans le public, ou peut-être à jouer sur scène. D'un point de vue de producteur, c'était assez frustrant. Pendant l'enregistrement, je restais principalement dans le camion de contrôle surveillant la fin de l'enregistrement. Les premières jams, c'était juste ça : principalement jammer sans trop d'organisation. Par exemple, il pouvait y avoir cinq guitaristes jouant en même temps, plusieurs chanteurs, claviers, etc. amenant un moment magique. Après venait le travail d'édition de tout ça pour essayer de faire un disque intéressant. C'était l'approche des jams sur lesquelles j'ai travaillé. Après, ils l'ont fait avec essayant de plus contrôler. Même des répétitions avaient lieu avant l'événement.
Publicité pour la première Volunteer Jam en 1974
Quels sont vos souvenirs au sujet de ces jams ?
Il y avait une agitation extraordinaire associée à ces événements. Nous connaissions certains des artistes qui étaient invités à jouer, mais il y avait toujours de grosses surprises. Avec l'excitation, la finalité de la production s'apparentait à essayer de jongler avec deux douzaines d'oeufs, dont une partie derrière vous, tout en faisant le poirier.
Etiez-vous à la première jam ?
Oui, je pense que j'étais à la première
A-t-elle été enregistrée ?
Oui, une partie fut incluse comme disque bonus à l'intérieur du "Fire On The Mountain" du Charlie Daniels Band. Je suis en train de regarder une version de l'album qui sortit à l'origine sur le label Kama Sutra. Il y avait un 45 tours bonus inclus et il est juste indiqué "Volunteer Jam part 1" et "part 2". Je n'ai pas un lecteur de 45 tours sous la main, je l'écouterais et je vous dirais les titres réels des chansons. Je pense que c'était juste comme indiqué par le titre (une jam). L'album "Fire On The Mountain" sortit à l'origine sur le label Kama Sutra mais re-sortit ensuite sur le label Epic. Charlie avait ensuite signé avec CBS qui est maintenant Sony. Je ne me souviens pas si le 45 tours bonus était ou non inclus dans la version Epic. Je n'en ai pas un sous la main pour regarder.
Two Guns - Balls Out
Nous connaissons bien l'histoire de certains des groupes de rock sudiste que vous avez produits mais d'autres sont plus mystérieux pour nous. Pourriez-vous nous présenter un peu quelques groupes comme Two Guns, Missouri ou Cooder Browne? Et pourriez-vous nous dire comment vous les avez rencontrés et si vous savez ce qu'ils ont fait après le disque produit pour eux [Two Guns "Balls Out" (Capricorn 1979) - Missouri "Welcome Two" (Polydor 1979) - Cooder Browne "Cooder Browne" (Lone Star 1978)]
Two Guns, je crois, fut le dernier projet à sortir chez Capricorn avant qu'ils ne fassent faillite. Ils étaient un "hot band" qui venait de l'Oklahoma avec deux guitaristes étincelants, de là leur nom. Avec le label qui se cassait la gueule, le disque n'a pas eu beaucoup de chance pour ce qui est de la promotion . L'intérêt a vite chuté et le groupe n'a jamais décollé. Comme depuis longtemps j'étais devenu un producteur indépendant, j'ai réalisé des projets pour d'autres labels que Capricorn. C'était ainsi le cas pour le Charlie Daniels Band. Missouri était un groupe de Kansas City qui avait réalisé un album auto-produit [NDLR : "Missouri" (Panama, 1974)] qui avait eu quelques diffusions à la radio dans leur Etat. Polydor m'embaucha essentiellement pour ré-enregistrer le disque et le polir. Après que ce soit sorti, j'ai plutôt perdu leur trace et pour quelque raison, on n'a plus trop entendu parler d'eux. Cooder Browne était un excellent petit groupe du Texas sur le label Lone Star de Willie Nelson. Ils étaient emmenés par le grand violoniste Larry Franklin. Il joua plus tard avec Asleep As The Wheel. Nous avons sorti le disque assez rapidement et la vie du label fût presque aussi courte. Je ne connais pas toutes les affaires derrière ce label mais, de toute façon, c'est comme ça qu la carrière du groupe s'est passée.
Missouri - Welcome Two
Quels sont vos meilleurs souvenirs de cette époque des seventies où vous produisiez des groupes de rock sudiste ?
Je peux regarder derrière moi avec pal mal de satisfaction, ayant fait la scène californienne. Là bas, ils (la compagnie discographique, le manager) ne savaient pas que faire de nous en tant que Hourglass. Ils ont essayé de nous transformer en d'autres Beach Boys ou quelque chose d'autre. Après que notre second disque soit sorti, nous sommes même revenus à Muscle Shoals avec notre propre argent et avons enregistré quelques petits trucs avant de revenir vers eux pour leur montrer dans quelle direction nous voulions enregistrer. En entendant les bandes, ils trouvèrent qu'elles étaient horribles ! Eh bien, ces mêmes bandes ont figuré plus tard sur deux LP de l'anthologie Duane Allman. C'était "BB King Medley", "Been Gone Too Long" et il me semble peut-être une autre. Mises en perspective, ces bandes n'étaient pas d'une grande qualité par rapport à ce que l'Allman Brothers Band a fait plus tard. J'en arrive à ce que finalement dans les années 70 nous fûmes capables d'explorer nos racines sudistes et d'enregistrer de la musique que nous écoutions en grandissant. Une chance nous a été donnée de faire ça, ici à Macon, Ga. Il semble que le terme musical "Southern rock" ait commencé à être utilisé peu après les premiers albums des Allman et de Tucker. Même Lynyrd Skynyrd avait des liens avec Macon, avec leur manager Alan Walden. Macon, Ga qui avait auparavant été l'endroit où se sont révélés Little Richard, Otis Redding et James Brown, devint plus ou moins la patrie du Southern Rock & Roll.
Where We All Belong
Quel est votre disque préféré parmi ceux que vous avez produit à cette époque ?
Je pense que ce devrait être "Where We All Belong" du Marshall Tucker Band et "Fire On The Mountain" par le Charlie Daniels Band. "Where We All Belong" était juste un disque plein de musique. Il contient aussi probablement mon morceau favori des Tucker , "This Ole Cowboy". "Fire On The Mountain" a été le premier enregistrement que j'ai fait avec Charlie. Il contient plusieurs grandes chansons et même la pochette était remarquable. La pochette pourrait bien avoir fait plus que tout le reste pour la vente du disque.
Avez-vous gardé quelques disques non sortis, des morceaux, des démos et aurons-nous la chance d'écouter un jour des choses intéressantes de cette époque ?
Eh bien, peut-être que j'ai des petits trucs. Comme vous le savez, nous venons juste de réaliser quelques enregistrements "live" du Marshall Tucker Band que j'ai fait en Europe en 1976. Ca s'appelle "Stomping Room Only" et présente les membres originaux du groupe probablement au sommet de leurs carrières.
Vous-êtes le type qui a produit le plus d'albums Capricorn avec Johnny Sandlin, votre ancien partenaire des Hourglass. Quelles étaient vos relations avec lui et pourquoi certains albums étaient-ils produits par vous et d'autres par lui ?
C'est probablement dû au fait que Johnny et moi avons atterris à Capricorn. Nous avons été compagnons à l'époque des Men-Its puis de Hourglass. Il m'a vraiment convaincu de faire le déplacement quand Phil Walden nous offrit le boulot aux studios Capricorn. Nous sommes devenus les deux producteurs de l'équipe pour Capricorn records après avoir commencé comme musiciens de studio dans le groupe maison du studio. Certains projets lui tombaient dessus et d'autres sur moi. Je pense que le seul projet que nous ayons jamais produit a été le LP de Kitty Wells "Forever Young". Nous l'avons commencé ensemble mais, ensuite, je l'ai terminé tout seul. Je pense que c'était trop "country" pour le goût de Johnny. Je pense que j'avais plus que lui un fond country. Comme pour les trucs rock que nous avons fait, je crois que toutes nos expériences étaient sollicitées à parties égales entre country, blues, jazz, ce que vous aviez, et qui fit le genre rock sudiste.
Est-il possible de discerner des différences dans vos manières de produire ?
La différence devrait être déterminée par l'auditeur. La seule chose que je peux pointer est peut-être nos expériences musicales. Mes premières influences furent country et mon père est un violoniste de la vieille école. Ca a été la première musique que j'ai entendue et que j'ai jouée. Beaucoup de choses comme vous pourriez les entendre sur "Oh Brother, Where Art Thou». Johnny Sandlin avait plus un background R&B et blues. J'ai acquis plus tard une connaissance intime de ces deux derniers styles mais les racines country sont restées aussi. Johnny a aussi pris en main des projets country, mais vous pouvez toujours entendre un peu de rhythm & blues traverser ce qu'il fait.
Dans ma collection discographique, je ne vois pas votre nom crédité comme producteur après 1979, sauf "Emotional" de Wayne Bear Sauls (Eric Quincy Tate) qui a été enregistré en 2001 je crois. Tout d'abord, je voudrais vous demander si vous avez des nouvelles de sa santé. J'ai lu il y a quelques mois qu'il était dans le coma.
Oui, j'ai travaillé avec Bear. Je ne suis pas resté en contact et je suis surpris d'entendre parler de ses problèmes de santé. Merci de me l'avoir appris. Il faudra que je prenne de ses nouvelles.
EG Khight - Southern Comfort
Avez-vous continué votre métier de producteur dans les années 80 et 90 ainsi que maintenant ? Si oui, avec qui ?
Eh bien, vous le savez, c'est un autre temps maintenant, spécialement en ce qui concerne le rock sudiste. La musique change toujours avec chaque nouvelle génération de musiciens. Même certains de ceux qui ont bâti les racines du rock sudiste pourraient ne pas l'admettre. Le rock sudiste comme médium est aujourd'hui probablement plus important en Europe qu'ici. Des groupes comme Doc Holliday ou le Tim Brooks Band enregistrent plus pour des ventes en Europe que pour celles attendues en Amérique. Donc, il est plus difficile d'utiliser mes succès en tant que producteur de rock sudiste comme carte de visite avec la musique d'aujourd'hui. J'ai ouvert mon propre studio après la période Capricorn. Il s'appelle Musacadine Recording Studios et se trouve ici à Macon, Ga. Je suis affairé à faire marcher ça mais aussi à la publication de chansons. Je produis toujours certaines choses, je joue et je fais l'ingénieur. Nous avons une nouvelle artiste qui se nomme E.G. Kight. C'est une diva du blues qui a fait vraiment fort l'an passé avec son CD "Southern Comfort". Je pense que vous entendrez parler d'elle beaucoup plus dans le futur. Elle a fait son CD dans mon studio. Récemment, nous avons réalisé discrètement quelques trucs sur d'autres projets dont vous entendrez probablement bientôt parler .
Comment est-il possible de se procurer le CD de E.G. Kight ?
Essayez BlueSouthRecords@aol.com. Je la contacterais également par mail pour voir si elle peut vous avoir un exemplaire. Je suis vraiment fier du CD de E.G. Kight. Elle a, avec lui, été nominée pour pas mal de blues awards, ce qui veut dire pour moi beaucoup pour un disque indépendant.
Paul Hornsby aux studios Muscadine
Parallèlement à la production, avez-vous et êtes-vous toujours un musicien de studio ?
Comme je le disais, je vis toujours à Macon, Ga et je fais fonctionner Musacadine Recording Studios. Je fais des sessions non seulement chez moi mais aussi partout où il y a un engagement intéressant. Je vais parfois jusqu'en Alabama où je joue dans le studio de Johnny Sandlin à Decatur. C'est toujours un tel soulagement : je ne dois pas prendre de décisions musicales quand il y a là quelqu'un comme Johnny Sandlin, qui est aux commandes de la console.
En plus de jouer de l'orgue et de produire, êtes vous un auteur compositeur ?
J'essaye de commencer à écrire plus. Je suis venu à la composition bien plus tard qu'à jouer de la musique et à produire. Les auteurs compositeurs ont toujours été mes vrais héros et j'ai toujours souhaité en être un. J'ai trouvé que cela demande une certaine quantité d'expériences de la vie pour que cela se réalise. Ainsi, maintenant j'écris de plus en plus. "Je regrette que je n'ai pas connu maintenant, ce que je n'ai pas connu alors» comme le dit Bob Seegar (sic) dans une chanson.
Dr. John et Paul Hornsby
Après les Hourglass, avez-vous fait partie d'autres groupes ?
Il y a eu quelques groupes. Je ne pense pas que vous en ayez entendu parler. Par ailleurs, j'ai tourné avec Dr. John et quelques autres.
Comme musicien de studio et producteur, je pense que vous rencontrez beaucoup de groupes, beaucoup de musiciens. Pourriez-vous nous recommander quelques groupes de rock sudiste actuels et inconnus ?
Une nouvelle fois, je voudrais attirer l'attention sur E.G. Kight. Ainsi que sur un membre de mon groupe de studio, Tim Brooks, qui fait parfois des tournées en Europe. Chris Hicks est un autre guitariste chanteur de Macon qui émerge. Actuellement, il joue au sein du Marshall Tucker Band et écrit et chante pas mal de choses.
Pour vous, quels sont les meilleurs albums de rock sudiste ?
En plus de "Where We All Belong" et "Fire On The Mountain", je crois qu'il faut que j'inclus le "Live at The Fillmore" des Allman Brothers.
Merci
Merci à vous, ce fut vraiment un plaisir pour moi.
Capricorn Rhythm Section
Donna Hall - Scott Boyer - Johnny Sandlin - Bonnie Bramlett - Bill Stewart - Tommy Talton - Paul Hornsby
Radio Blues Intense Sweet Home RBA All Blues Dixie Rock