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"Alan" Michel Brassant
et
"2fu" Christophe Andrieu
Plug & Play
Interview par Luc Brunot.
Publié dans Bands Of Dixie n°74 (mai - juin 2010)
Plug & Play
Parmi les groupes français "sudisants", Natchez et Plug & Play se distinguent par leur double casquette de musiciens et organisateurs. Si les premiers font venir des formations comme Molly Hatchet ou Blackberry Smoke, les seconds en sont à la septième édition de leur festival rock 70's. Au moment où nous publions, elle vient de se tenir à Charmont mais Plug & Play fait aussi l'actualité avec un nouvel album, le premier depuis quatre ans. Et comme ça fait une paye, qu'on n'avait pas taillé le bout de gras avec eux, on a branché le micro (enfin presque) et Alan et Christophe ont joué le jeu en répondant à nos perfides questions.
Bonjour,
La dernière interview date de 2004, il y a six ans. Quelle a été l'histoire de Plug & Play depuis ?
Alan : Bonjour Luc. Et bien on a roulé notre bosse, fait des concerts, plein de rencontres, un deuxième album, connu un aller et retour de chanteur ;-) sorti une compile en 2009 et nous voilà en 2010 avec enfin ce troisième album. La routine pour un groupe de rock avec des vrais gens dedans, quoi...
"Deep In my Beer" date de 2006, comment le voyez-vous avec le recul ?
Alan : De bons titres, un travail intéressant sur le son avec les moyens du bord, en 16 pistes (alors que le premier avait été fait live en 8 pistes) et une identité qui se met en place. Une petite déception pour ma part sur certains titres qui ne tournent pas comme ils auraient dû, mais bon...
Chris : Pour ma part, un album dense et inspiré pour lequel nous n'avons pas compté notre énergie. Et cela s'entend encore, même si, si nous le faisions aujourd'hui, il sonnerait différemment.
Depuis ce disque, un de vos chanteurs, Bruno Dujeancourt, et votre bassiste, Jean Philippe Pontoizeau, ont quitté le groupe. Qu'est ce qui explique ces départs ?
Alan : Bruno nous a quitté il y a quatre ans pour s'installer à Lyon et Jean Philippe a créé son entreprise l'an dernier, devenant du coup beaucoup moins disponible pour Plug & Play. Ces départs n'ont pas entaché nos rapports, ceci dit.
Vous aviez sorti une réédition remasterisée des deux premiers albums ("Plug & Play"). Étaient-ils déjà introuvables ou n'étiez-vous pas satisfaits techniquement ?
Alan : Les deux en fait. On était en rupture de stock et on a pensé qu'il serait bien de rééditer ces deux disques sous forme de compilation avec un mastering analogique qui correspondait plus à l'esprit de notre musique.
Chris : Cela nous a permis aussi de présenter certains morceaux de manière différente et les heureux possesseurs des trois disques pourront faire les comparaisons.
Plug & Play
Qu'appelles-tu une présentation différente ?
Chris : Des détails, des fades plus longs, "Red Riva' Blues" sans « maquillage »...
"Ready For The Bounce" est votre quatrième rondelle. Combien de temps avez-vous mis pour faire ce disque ?
Alan : Techniquement, l'enregistrement s'est fait sur quelques jours en privilégiant l'aspect live et la spontanéité : on a laissé les petits défauts ici et là, on fait du rock n' roll après tout... mais la gestation a été assez longue et frustrante avec ces petits mouvements de personnel...
Chris : Assez rapidement pour la mise en boite et l'écriture mais ce qui nous a demandé le plus de temps c'est de rendre ces morceaux le plus vivant possible. Cet aspect d'appropriation par le groupe en entier est vachement important pour nous.
Où l'avez-vous enregistré et quels sont les souvenirs de cette session ?
Alan : Comme d'habitude, dans notre grange studio/local et sur notre matos. Cette semaine de studio a été comme une libération et on s'est vraiment éclaté à le faire, dans la bonne humeur, les batailles de boules de neiges, les victuailles, le bon vin et le whisky "aged".
Chris : Moi je dirais les batailles de bon vin, surtout.
Bourgogne ? Bordeaux ?
Chris : Irancy principalement ; nous sommes à 70 bornes... donc Bourgogne.
Alan : On n'est pas trop sectaires, non plus... On est très attaché aux produits du terroir, ça fait l'unanimité dans le groupe.
Votre manière de créer des disques a-t-elle évoluée avec l'expérience ?
Alan : Oui, bien sûr, on est passé au 24 pistes mais toujours pas d'ordinateur, de pro-tools et de copier/coller... Du travail à l'ancienne où tout est joué et chanté... Idem avec le mastering qui est la seule étape du processus qu'on fait ailleurs, mais chez quelqu'un qui bosse aussi à l'ancienne, en analogique. On ne veut pas de ce son moderne et compressé. Faut que ça vive et ça s'entend quand on monte le volume, y pas photo pour nous, c'est ça qu'on aime...
Chris : Oui en fait comme l'évoque Alan, cela nous renforce dans notre envie d'aller vers une production chaleureuse, analogique. Le fait de faire cela à la maison nous évite de tomber un peu dans le piège du matériel hyper moderne et hyper pratique (vu qu'on en a peu) qui laisserait trop son empreinte en terme de son global.
À la basse, Fred Guillemet (GL Band, Trust) et Julien Boisseau (Jesus Volt, Speyside) se partagent le boulot. Est-ce à dire que vous n'avez pas de bassiste attitré ?
Alan : Ah ! ah ! En fait, on a deux bassistes attitrés, tu sais, on ne fait jamais rien comme les autres, déjà avant avec nos deux chanteurs. Sérieusement, quand on a auditionné pour le remplacement de Jean Philippe à l'automne, on s'est aperçu rapidement qu'on allait encore perdre un an si on repartait à zéro avec quelqu'un qui ne soit pas à fond dans notre style. Comme Julien assurait déjà l'intérim depuis juin, on a décidé de s'affranchir des distances et de travailler différemment. Fred s'est greffé au projet dans la foulée et avec leurs emplois du temps respectifs, on arrive à quelque chose qui tient bien la route en restant un groupe cohérent.
Julien et Fred étaient de toute façon fans de Plug & Play bien avant d'intégrer le groupe et les choses se sont faites très naturellement, par amitié et passion du rock n' roll avant tout. Ce sont par ailleurs de grands passionnés de Southern rock et de classic rock et, avec leur culture allant de Cliff Williams à Berry Oakley, en passant par Bill Wyman et Pete Way, nos prestations et le dernier enregistrement ont gagné en homogénéité, ou du moins correspondent beaucoup plus à l'esprit 70's que j'avais en tête en montant ce groupe avec Chris il y 11 ans.
Chris : Le départ de Jenfi nous a conduit à sérieusement réfléchir à la question. Et l'avis unanime était : « quitte à changer de bassiste, la priorité est de conserver et privilégier les accords musicaux et l'esprit musical du groupe » et avec ces deux là on est servi. Ils se sont attitrés naturellement.
Dans la petite bio que tu m'as fait passer, il est écrit que Plug & Play privilégie les vocaux atypiques. Peux-tu nous en dire plus ?
Alan : Hum... disons que les groupes avec un vrai chant en anglais et des choeurs ne sont pas vraiment légion chez nous... Et comme on adore ça et qu'on a deux frangins dans le groupe qui ont grandi en Virginie en baignant dans la culture musicale de la grande époque, on en profite.
Chris : En fait, c'est super dur mais c'est passionnant et Fred et Richie diffusent au groupe une véritable envie de considérer le chant comme central : chacun doit chanter dans ce groupe à un moment où un autre avec ce qu'il sait faire ; il se retrouve avec un micro devant le nez. Bon, sauf le batteur, parce que là...
Votre rock est teigneux, serré comme un expresso et les guitares ne partent pas chez vous dans de grandes cavalcades comme les aiment nos lecteurs, amateurs de rock sudiste. Ça ne colle pas au "projet" de Plug & Play ou vous, les gratteux, ça ne vous dit rien ?
Alan : si, si on adore ça, mais on ne réfléchit pas vraiment en ces termes quand on compose, on se concentre sur la chanson et la mélodie, le solo étant la cerise sur le gâteau, on se lâche plus quand on joue en club, on est un groupe à guitares de toute façon... et on apprécie beaucoup les tierces à la Allman et Thin Lizzy.
Chris : Tout colle, le projet, les gratteux. C'est notre instrument quasiment à tous, même le chanteur et Fredo, le bassiste, n'est pas manchot non plus. Mais c'est vrai, les compos d'où qu'elles viennent, se font dans un esprit commun de construire une putain de bonne chanson. Les solos viennent parachever et si ce n'est pas la grande cavalcade, on a une vraie volonté de faire des trucs construits, pas trop longs mais construits. Tiens, écoute au casque ceux d'"Hometown Festival" par exemple : y a du monde ! J'adore !
Ready For The Bounce
Avec l'expérience, les rencontres avec d'autres groupes qu'amènent les concerts, vos influences, vos centres d'intérêts ont-ils évolué ?
Alan : Non, pas vraiment, on écoute toujours les mêmes vieux trucs. Je pense qu'on est loin d'en avoir fait le tour... Le classic-rock, le Southern-rock et le hard-rock bluesy, c'est vraiment notre truc et celui des gens dont on est proches.
Chris : Pour moi non plus, j'écoute toujours les mêmes choses, dans le même esprit et je découvre même de vieux trucs à coté desquels j'étais passé et je ne te dirai pas quoi, c'est trop énorme.
Estimez-vous que votre musique évolue ?
Alan : Oui, on évolue forcement, on progresse et je crois qu'on compose mieux, mais on n'ira pas vers un truc plus « moderne », enfin pas dans ce qu'on peut entendre des productions actuelles au sens large, bien au contraire.
Chris : Heureusement ! Mais alors, pour ma part, je ne maîtrise pas grand chose. La seule chose que je veux conserver c'est l'inspiration. Et tant qu'il y aura cela, on ne pourra que faire ce bon vieux Rock. Cela fait 40 ans, non mdr, 60, que ce genre existe et quand tu y as goûté tu es accro pour la vie.
Vous êtes avares en reprises, au moins sur disque. Vous n'avez pas envie de rendre quelques hommages par ce biais ?
Alan : Pourquoi pas, la porte n'est pas fermée, même si on place quand même quelques petits clins d'oeil par ci par là ;-). Le tout est de rester original, même dans le choix des reprises.
Chris : Oui, pourquoi pas mais je me dis qu'elles ont déjà été enregistrées et je préfère graver notre musique. Mais pour le live, pas de soucis, au contraire.
Je ne sais si c'est toujours le cas mais je me souviens que vous repreniez sur scène un titre de Johnny Van Zant, "Night Time Lady". L'artiste est très rarement repris (je ne connais aucun autre cas) et ce n'est pas un de ses morceaux les plus connus. Pourquoi ce choix ?
Alan : On aimait bien le titre et on le trouvait intéressant « guitaristiquement » parlant.
Le titre de votre disque est-il porteur d'un message ?
Alan : Bien sur, mais il y a de multiples interprétations. Chacun prend celle qui lui convient et ça nous va...
Chris : Qu'est ce que tu en penses ?
Et la pochette, fort originale, avec ces pantalons ?
Alan : Je te rassure, on ne baisse pas notre froc... Le denim est un symbole bien rock n' roll mais chacun y voit ce qu'il veut, la réalisatrice avait carte blanche.
Chris : Elle est cool, hein ? Mais là, il n' y a pas de message, enfin moi j'en vois pas.
Combien de concerts au compteur ?
Alan : Quelques centaines, on ne tient pas de compte précis.
Le nombre est-il stable où y a-t-il une évolution dans le temps ?
Alan : On ne raisonne pas trop en termes de nombre, la qualité et le relationnel priment avant tout. On pourrait jouer toutes les semaines si on le souhaitait et si on acceptait tout et n'importe quoi comme ça se pratique aujourd'hui dans le circuit mais, fort heureusement et par chance aussi, on n'a pas besoin de ça. Je connais bien la situation des groupes actuellement en France et je conseille aux gens de ne pas trop se fier au nombre de dates ou au «buzz médiatique» mais d'ouvrir grand leurs oreilles et de se faire une idée par eux-mêmes.
Pour en revenir à ta question, oui, ça évolue et on espère que ça évoluera encore car il y a un vrai potentiel de public rock n' roll en France, mais là, vaste sujet...
Alan
Vous en faites principalement par chez vous ou bien arrivez-vous à écumer toute la France ?
Alan : Oui, chez nous et partout où c'est possible dans un large rayon. Maintenant que le line-up est stabilisé et l'album disponible, on espère bien faire découvrir notre musique un peu plus loin aussi, dans la mesure où on ne fait vraiment très « rock Français »
Le titre "Hometown Festival", c'est en référence avec votre casquette d'organisateurs ?
Alan : Je crois que le parolier avait ça en tête, oui.
Tous les morceaux sont crédités au groupe en tant que tel mais les textes sont écrits en solo ? Certains d'entre vous sont-ils spécialisés là dedans ?
Chris : Oui, en général, mais nous avons fait des tentatives d'écritures à plusieurs : on avait mal aux cheveux le lendemain...
Alan : Oui, les Frenchies du groupe laissent faire ceux qui maîtrisent parfaitement le sujet avec une confiance totale, à nos risques et périls... car Chris et moi, on se fait souvent gentiment chambrer dans ceux-ci, mais on aime bien tous leurs truc à tiroirs...
Question composition musicale, comment est-ce que ça se passe ? Quelqu'un amène le germe et vous faites mûrir ça en commun ?
Chris : C'est variable, enfin sur la méthode c'est en gros ce que tu décris. Ce qui peut varier c'est le degré de finalisation. Quelques fois, le morceau est amené par l'un d'entre nous le plus avancé possible et d'autres fois, il y a l'ossature et il est terminé en groupe... Mais dans tous les cas au final, c'est un truc de groupe.
Au moment de cette interview, vous êtes sur le point de vivre une septième édition. Quel est le bilan de vos six précédents festivals ?
Alan : Le bilan est très positif, on est parti de zéro en créant cet événement, du point de vue de musiciens voulant jouer dans de bonnes conditions matérielles et logistiques tout en fédérant un public exigeant et passionné qui partagerait cet état d'esprit.
La MJC de Charmont nous a suivi depuis le début et on sait bien que ce ne serait pas possible sans eux. C'est une vraie chance pour nous de pouvoir profiter de leur structure très carrée...
Cela demande beaucoup de travail en plus de nos autres activités mais c'est un vrai pied à chaque fois. Pour l'instant, ça fonctionne mais on croise toujours les doigts.
Chris : Un énorme boulot pour un vrai succès, à l'échelle bien sûr. Un énorme boulot et je peux en parler parce que je ne suis pas celui qui en fait le plus. Comme le dit Alan, sans la MJC de Charmont, rien de possible. Tous ces gens font un vrai truc difficile. Pour eux, faire du quotidien, de la fête de la choucroute, du bal consensuel serait nettement plus facile mais ils ont choisi de se lancer dans une aventure vraiment casse gueule et qui, a priori, allait à contre courant et ça marche... Chapeau.
Quels sont les meilleurs souvenirs ? Quels sont les groupes qui vous ont le plus marqué artistiquement et humainement ?
Alan : difficile car on a que de bons souvenirs sur les deux tableaux et la prog se fait toujours en amont dans ce sens. Par ailleurs... le plaisir de faire découvrir aux gens des groupes comme Texaroma ou Speyside, les nombreuses jams avec nos voisins et amis Natchez, l'émotion de Christophe Marquilly quand on lui rend hommage sur «Je vais craquer » ou celle de John pour la fin de C12, le stress de Fredo qui se demande si son chanteur va arriver à temps pour le set du GL Band, les membres de W.I.N.D qui dorment dans ma voiture sur la route de l'aéroport après un repas très arrosé (j'écoute justement les excellents extraits de leur dernier album où on entend bien la basse... Quelle rock star, ce Fabio ;-)
Déjà des idées pour l'année prochaine ?
Alan : on va déjà essayer de réussir celui là. Comme je te disais, c'est très dur et même de plus en plus dur sans gros soutiens significatifs et j'ai bien peur que ça ne s'arrange pas... Les idées ne sont pas un problème.
Revenons au nouveau CD : peux-tu me parler de chacun des morceaux, de leur sujet et, éventuellement, des idées et des influences musicales qui vous ont peut-être guidés ?
Chris : En bloc, ce sont des chansons qui traitent de la vie de tous les jours, de celles des rockers, des difficultés entre les gens, des décisions à prendre, enfin que des choses quotidiennes, souvent vues de l'intérieur (et l'intérieur, ce n'est pas toujours reluisant) mais ces chansons sont aussi des clins d'oeil au quotidien de PlugnPlay, les poilades que l'ont a eu sur la route ("Intro Blues"), ce que représente le festival de Charmont ("Hometown")... tout cela mâtiné d'ironie, enfin... les paroles sont souvent à tiroir. Pour la musique, bon, il y a des influences que chacun pourra détecter et sûrement d'autres mais ce que l'on aime, c'est qu'au final cela nous apparaît presque toujours comme franchement différent de ce que pouvait être l'idée de départ. En fait, on est souvent agréablement surpris du résultat une fois que tout le monde a mis sa patte. Et pour moi PlugnPlay, c'est ce truc là.
Chris
Avez-vous déjà d'autres projets après ce disque ?
Alan on a pas l'intention d'attendre quatre ans pour remettre le couvert (à l'attention de Dominique ;-) De nouveaux morceaux sont en chantier, avec une couleur très roots et on est déjà impatient de les jouer live et de les enregistrer, peut être en 2011.
Chris : Ouais, ouais 2011...
Lors de la dernière interview, en réponse à une question de Dominique Turgot, tu soulignais le caractère flou des limites du rock sudiste. As-tu cependant une définition de ce style musical ?
Alan : je n'ai pas changé d'avis, j'aime toujours cette citation de Gregg Allman quand il dit que le rock vient du sud des Etats-Unis et que ce terme est donc presque un non-sens, même si je peux comprendre que les gens aient besoin de se rattacher à un style bien précis.
Après, tout est question de culture et de convictions. En clair, je me sens bien plus proche du discours de Warren Haynes ou de Chris Robinson que des déclarations conservatrices et très réac des Skynyrd ou Molly Hatchet actuels (enfin, pour ce qui est des « gestionnaires » de ces groupes). Idem concernant leurs dernières réalisations et cette prod très moderne qui n'a absolument rien à voir avec l'idée que je me fais du rock sudiste... Tout n'est pas que fun et bonne musique ;-)
Chris : Moi, le rock sudiste, j'ai grandi dedans avec un grand frangin qui avait plein de copains qui écoutait cela entre 75 et 80 : Point Blank, Outlaws, Skynyrd et dans un registre un peu différent les ZZ. En fait, c'était une musique faite par des gens qui étaient dans une époque où quand on faisait du Rock et qu'on avait les ronces jusqu'aux fesses, on était plutôt dans la contre culture. C'était un peu l'esprit et cela raisonnait sur la terre entière (même à Troyes, t'as qu'à voir...). Aujourd'hui, pour ceux qui continuent et qu'on peut appeler sudistes, certains sont encore dans cette dynamique (Allman), des nouveaux sont arrivés (Gov't Mule, les Black Crowes...) mais d'autres, j'ai l'impression, (ouh la, faut qu'je fasse gaffe...) prennent une direction radicale que je ne peux pas valider : les armes, les trucs un peu nationalistes, tout çà..., bof ! En fait, faire de la musique, ce n'est pas un truc anodin et malgré toi, tu véhicules un état d'esprit. Mais le vrai problème avec ça aujourd'hui c'est : est ce rentable de faire passer ceci ou cela ou rien du tout ? Un peu navrant non ?
En littérature, On peut admirer le magnifique styliste qu'était Céline et détester son attitude ignoble durant la guerre. Concernant le rock (avec une dichotomie moins prononcée entre le côté lumière et le côté ombre), ne penses-tu pas qu'il soit possible de dissocier le côté disons réactionnaire de ces groupes de la musique qu'ils délivrent ?
Chris : Ben oui, mais enfin pour reprendre ton exemple de Céline et ce que je te disais juste avant, moi j'aime bien le début avec« Voyage au bout de la nuit » mais après « Bagatelles pour un massacre », ben non, j'aime pas du tout. C'est un peu pareil pour notre sujet : j'aime bien le début mais il y a aussi des choix d'attitudes et d'état d'esprit qui s'affirment avec le temps et que j'aime moins.
Alan : Bien sûr qu'il faut dissocier le talent et le reste, c'est comme pour certains grands acteurs, mais à partir du moment où on s'engage publiquement, on s'expose forcement à la critique et à la déception de certains fans... Je rajoute qu'avec les nouvelles technologies et certains réseaux sociaux à la mode, on en lit quelquefois des vertes et des pas mûres... Ça peut remettre les choses en perspective si on est un peu exigeant avec les musiciens qu'on apprécie et si on a des convictions, comme c'est notre cas. Bon, ceci dit, le côté Franco-Américain de notre groupe fait qu'on relativise aussi beaucoup certains aspects car on connaît bien le fossé culturel et social qui distingue nos deux pays de coeur.
Dans le n°52 de notre magazine, tu listais les albums indispensables que tu emporterais sur une île déserte. Mais concernant uniquement le Southern rock, quels sont tes préférés ?
Alan : Le « Live at Fillmore » de l'ABB, « Wild-eyed southern boys » (et toujours un faible pour « Résolution ») de 38 Special, « In the eye of the storm » des Outlaws, « Life before insanity » de Gov't mule, « The southern harmony and musical companion » ainsi que les dernières réalisations des Black Crowes et, chez les plus jeunes, Tishamingo, North Mississipi allstars et bien sur Blackberry Smoke, la relève d'Atlanta, et des freaks comme les Crowes...
« In the eye of the storm » ! On en entend rarement parler de ce disque mais c'est vrai que c'est dommage. "Resolution", ça me semblait aussi inattendu. Pourquoi ce disque de 38 Special parmi tes préférés... s'il y a une explication rationnelle ?
Alan : Je sais que ça peut paraître inattendu et que ça sort des standards habituels mais pour le Outlaws, c'est simple, c'est celui qui revient le plus souvent dans le lecteur car il synthétise tout ce que j'aime chez eux : de super chansons bien accrocheuses, quelques titres bien hargneux, des choeurs et des parties de guitares superbes. Et ce son 70's pas trafiqué qui prend tout son éclat quand on monte le volume. What else ? Pour le 38, je le cite souvent car j'aime beaucoup les chansons, le mélange acoustique/électrique et le côté pop que certains peuvent lui reprocher, j'assume... et je l'écoute aussi régulièrement. Et puis aussi quelquefois, certains albums correspondent à un moment particulier de notre vie et prennent de ce fait une place à part, c'est le cas pour celui-ci.
Chris : Le « Live at Fillmore » de l'ABB : quel son ! Toujours « Degüello » des ZZ, « Airplay » de Point Blank, « Bring it Back Alive » des Outlaws et « Harvest » de Neil Young, (ben quoi, Toronto, c'est dans le sud du Canada, non ?)
D'ailleurs, n'est-ce pas à lui qu'on doit "Sweet Home Canada" ?
Chris et Alan en choeur: Ha ! ha ! ha ! À bientôt Luc et un grand merci à Didier et aux lecteurs de BOD pour leur soutien à notre cause et à celle de tous nos amis musiciens.
Plug & Play
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