Rickie Lee Reynolds
Knowbody Else - Black Oak Arkansas
Interview par Luc Brunot.
Traduction par Dominique Turgot et Luc Brunot.
Remerciements : Atlantic Records (Dane Venable, Liz Drummey, A.J. DePrimo, Breezy Smoak, Ariel Lopez), Tammy Hensley, Fabrice Genevois, Glennray Tutor, Philippe Hervouet.
Publié dans Bands Of Dixie n°95 (novembre - décembre 2013)
Il y a quelques années déjà qu'on entendait parler de la sortie à venir d'un nouveau disque de Black Oak Arkansas mais l'annonce cette année d'un nouveau contrat avec Atlantic Records, pour deux albums, fut une sacrée sensation. Voici donc Black Oak Arkansas de retour au bercail au sein du label qui l'accueillit durant les seventies pour la période phare de son histoire. Un moment important pour le groupe et le moment pour Bands Of Dixie d'interroger les deux piliers du groupe que sont
Jim Dandy et Rickie Lee Reynolds. Ils ont longuement répondu oralement
(1) à nos questions le 5 septembre 2013, grâce au soutien fourni par Atlantic Records. Les sujets ne manquaient en effet pas, qu'ils concernent le nouvel album « Back Thar N' Over Yonder » ou la longue histoire commencée dans les sixties et dont bien des points sont mal connus.
Qui connait Black Oak Arkansas, connait son emblématique frontman, Jim Dandy. Rickie Lee Reynolds est moins célèbre et ce n'est pas son rôle de guitariste rythmique du groupe qui l'aida à se faire remarquer sur scène. Il est pourtant un élément essentiel de la formation, un de ses principaux compositeurs et le complice de Jim Dandy depuis les débuts. Il est aussi la mémoire du groupe.
Nous avons entendu dire que Black Oak Arkansas allait sortir un nouvel album chez Atlantic Records titré « Back Thar N' Over Yonder ». C'est une grande nouvelle car vous êtes donc de retour sur votre label d'origine, Atlantic Records et qu'après votre dernier LP en 1986, « The Black Attack Is Back » vous n'avez sorti que « The Wild Bunch » en 1999. Pourquoi n'avez-vous pas enregistré d'avantage toutes ces années ?
En fait on a enregistré des choses, on avait notre propre label. On n'était pas signé sur un autre label mais on est allé en studio les cinq ou six dernières années à plusieurs reprises pour travailler sur un album qui était à 95% fini et qui devait s'appeler « Memphis Mean Times ». Un des vice-présidents d'Atlantic, Dane Venable est un de mes amis. Il est venu nous voir jouer à Memphis l'année dernière juste avant que l'on ne parte en Amérique du Sud, à Sao Paolo. Il y a là-bas un festival énorme tous les ans et on y a joué devant deux millions de personnes. Dane est venu à Memphis pour me parler de cet album sur lequel nous n'avions travaillé que quand nous le pouvions et surtout quand nous avions les moyens de payer le studio faute de ne plus avoir de label. Nous y avons bossé pendant environ cinq ans et le travail était fini à 95%. ll y aura au moins une ou deux chansons de ce projet qui seront sur « Back There Over Yonder ». Et c'est sûr, on va travailler d'autres nouveaux morceaux.
Comment êtes-vous revenus chez Atlantic ? Etait-ce grâce à cette rencontre avec Dane Venable ?
Je connais Dane depuis une quinzaine d'années. Il travaillait je crois à cette époque pour Mercury Records. On faisait donc ce concert juste avant de partie au Brésil et lors des signatures d'autographes, j'ai entendu quelqu'un me dire : « Hey Rickey, tu ne viens pas dire bonjour? ». Je me suis retourné, je l'ai alors aperçu et je lui ai dit : « Oh, ça doit bien faire dix ou quinze ans que je ne t'avais pas vu, que fais-tu ici ? ». Il me répondit qu'il était venu me voir jouer. Je lui rétorquais alors : « Vraiment, c'est fou ça. C'est bon de te voir à nouveau, où habites-tu? ». Il me dit « New York ». Moi : « Tu habites à New York et tu es venu jusqu'à Memphis pour venir nous voir jouer ». Lui : « Oui c'est vrai, je suis venu vous voir jouer et je suis maintenant vice-président d'Atlantic Records ». Je lui ai alors proposé d'aller nous asseoir et de discuter un peu. Il me dit lors de la conversation qu'il prenait un bateau pour le Vietnam et qu'il serait de retour dans un mois et demi. Comme nous devions de notre côté partir au Brésil et être de retour au bout deux semaines, je lui proposais qu'on discute de sa proposition après ». Ensuite, après avoir échangé pas mal au téléphone avec Dane, je suis allé voir les autres membres du groupe et je leur ai annoncé qu'il était possible que l'on puisse décrocher un contrat d'enregistrement avec une major pour notre disque.
Et puis voilà qu'Atlantic a découvert tout un tas de vieux morceaux enregistrés par Ray Charles, Eric Clapton, etc. Nous concernant, ils ont trouvé en Floride un paquet de chutes de studio. Tom Dowd avait l'habitude de conserver les prises des morceaux qui n'avaient pas été publiés et des morceaux que l'on avait enregistrés pour plaisanter. Quand les morceaux ont été ttrouvés, le mixage était déjà fait. Finalement, plutôt que de sortir le disque qu'on pensait faire avec tous nos nouveaux morceaux, on a préféré réaliser ce « Back There Over Yonder » qui est une compilation de titres de 72 et 73. Certains sont totalement inédits, d'autres avaient déjà connu le succès mais dans une version différente. On y a rajouté cependant quelques-uns de nos nouveaux morceaux. Certains de ces nouveaux titres sont joués par les membres actuels du groupe ; d'autres par un mélange des membres d'aujourd'hui et d'anciens musiciens de Black Oak Arkansas. C'est finalement un peu comme une réunion des membres des différentes époques de Black Oak Arkansas pour sortir ce nouvel album. Avec certains, ça faisait vingt ou trente ans qu'on n'avait pas joué ensemble. Ça nous a fait plaisir de revoir Stanley Knight, un des guitaristes d'origine. Il devait participer à l'album mais il est décédé deux semaines avant le début des sessions. On lui a bien évidemment dédié l'album, ainsi qu'à tous nos bons vieux potes.
En parlant des membres du groupe, depuis « The Wild Bunch », vous avez un nouveau guitariste et un nouveau bassiste, non ?
En fait, dans les temps, Tommy(2) fut notre batteur sur pas mal des anciens albums et puis il est parti ; il a entre autres joué ensuite avec Whitesnake. Johnnie Bolin est maintenant notre batteur et ce depuis dix-huit ans. C'est le frère du grand guitariste Tommy Bolin qui est décédé en 1977, je crois. On connaissait Tommy bien avant Johnnie et ça fait plus de vingt ans que l'on connait Johnnie. Notre nouveau bassiste est lui avec nous depuis six ou sept ans. Il s'appelle George Hughen et est originaire de l'Arkansas. Hal McCormack est à la guitare. Il a joué avec Jimmie Jamison sur « Eye Of The Tiger » ou un truc de ce style. On le connait depuis toujours. On peut avoir l'impression que ce sont des petits nouveaux mais ils sont là depuis un bon bout de temps. Beaucoup de groupes sortent un album et se séparent beaucoup plus vite que nous (rires). Mais en gros, les derniers arrivés sont là depuis cinq ou six ans et on se sent comme une famille. On fait notre travail de groupe et puis chacun retourne chez lui faire ce qu'il a à faire mais on s'appelle tout le temps, on se retrouve pour faire la fête, partir en vacances. Comme dans une famille quoi !
À propos de Pat Daugherty, est-il de retour dans le groupe ou est-il parti ? J'ai lu plusieurs versions à ce sujet.
Après avoir quitté le groupe dans les années soixante-dix, il a travaillé pendant quelques temps mais il a fini par perdre l'emploi qu'il occupait. Il est revenu dans le groupe(3) pendant un temps. On est ensuite repartis sur la route. Comme tout le monde, il prend de l'âge, la route fait vieillir. On bossait trois-cent-vingt jours par an à une époque. On se voit très régulièrement. Mais pour les sessions du nouvel album, on a réuni pas mal de gens qui ont joué dans Black Oak Arkansas. Le bassiste actuel joue sur la moitié des titres et Pat sur l'autre. Jim Henderson est aussi venu. Il avait assuré beaucoup de parties de guitares après qu'Harvey(4) soit parti. Hal et moi jouons également sur ce nouvel album. Buddy Church y a fait lui les parties country. Il avait joué avec nous pendant cinq ans. Au cours des quarante dernières années, il était présent par moments, absent à d'autres. Sur l'instrumental « G Wiz »(5), il y a cinq guitaristes qui interviennent
Et qu'en est-il de Wayne Evans ? Joue t'il sur cet album ?
Non. Nous nous sommes parlé il y a quatre ou cinq ans via internet. A cette époque, il s'était établi au Texas. Il était marié et avait un business à faire tourner. Wayne a été avec nous très longtemps avant que l'on ne commence d'enregistrer avec Atlantic. Wayne était un grand batteur en studio, incroyable. Il était bon aussi pour les concerts, etc., mais dès que l'on a commencé à tourner intensément pour promouvoir les albums, ça a commencé à devenir compliqué. Il avait un problème à la cage thoracique. C'était très dur pour lui d'être sur la route tout le temps, avec le stress, la pression... Après le premier album, il a souhaité ne pas continuer alors Pat et moi avons auditionné des batteurs, notamment Tommy Aldridge.
Peux-tu nous parler des sessions de cet album ? Combien de temps avez-vous pris ? En quoi diffèrent-elles des sessions des premiers temps du groupe...
On était de retour chez Atlantic. C'était un coup d'essai aussi bien pour nous que pour Atlantic. Un truc pour voir si ça pouvait encore marcher, On allait dans le noir sans trop savoir où on allait. Ce n'était pas comme à l'époque d'Ahmet(6), tu vois, l'argent jeté par les fenêtres, toutes ces équipes autour de nous pour faire le moindre geste... Maintenant, on était dans un studio à Memphis. Les moyens n'étaient pas les mêmes, mais on a eu tout ce dont on avait besoin. Bryan Keweh, l'ingénieur du son des Who, a produit l'album. Ça nous a pris deux à trois semaines pour faire les pistes principales, les vocaux, etc. On a montré à certaines personnes ce que ça donnait. Ensuite, on a passé trois semaines à Los Angeles pour le mixage.
Autre chose : dans les seventies, Atlantic voulu nous faire faire un album live et on s'est donc mis à enregistrer les concerts qu'on faisait. Le résultat fut un disque d'or, « Raunch 'N' Roll ». Avant de se lancer dans ce projet, Il y avait eu un album studio qu'on avait entamé et qui était à moitié terminé. On a utilisé deux ou trois des morceaux créés à cette occasion pour les jouer en concert et les mettre sur le live. C'était fait exprès, c'était une partie du plan destiné à faire vendre le disque. Les versions studio ne figuraient donc sur aucun album du groupe sauf en live. Elles sont sur le CD.
Photo de Courtni Meadow (Rock Legends Photographers)
Vous faites une tournée pour la promotion de l'album mais le groupe est-il aussi actif que dans le passé ? Combien de concerts jouez-vous chaque année ?
En gros, on joue le weekend mais là, il y a la promotion de l'album. En général, on joue le printemps, l'été et l'automne. On joue deux à trois fois par semaine. Habituellement on ne joue pas l'hiver. On prend des vacances, on reste en famille. Quand l'album sortira dans un mois et demi, on ira à New York et Los Angeles. Ca faisait longtemps qu'on n'avait pas fait autant de kilomètres. On ira aussi beaucoup dans le sud - Dallas, la Floride - puis ce seront la côte Est, la côte Ouest, le Nord-Ouest. On fera trente à quarante dates de suite, puis on fera un break d'un mois et à nouveau une bonne vingtaine de dates à suivre. C'est comme dans les temps quand on vivait sur la route.
J'ai lu que vous aviez fait six tours du monde. Êtes-vous venus en Europe les six fois ? Êtes-vous venu en France ?
Bien sûr, j'ai joué en France trois fois. Je suis allé sur les Champs-Elysées, au Louvre, au château de Versailles, sur les quais de Seine, un peu partout dans Paris. Je me suis baladé dans les rues avec ma femme. Une fois, nous marchions dans la rue et j'ai entendu de dehors qu'on jouait du blues dans un club, alors je suis rentré. C'était un saloon mais au sous-sol, il y avait bien un club et là, j'ai rencontré Memphis Slim qui jouait. Dans la rue, on était souvent les seuls à parler anglais. Bien que j'ai étudié le français lors de mes études en Californie, je ne le parle pas vraiment. On a un pote qui le parle très bien et ça nous arrangeait bien. J'adore Paris, un superbe endroit.
Vous étiez récemment sur la « Rock Legends Cruise », Était-ce une expérience très différente de tous ces concerts, tournées, évènements que vous avez vécus pendant toutes ces années ?
C'était incroyable. C'était juste après notre séjour au Brésil. On a pris un avion pour Miami et on s'est retrouvé sur un bateau, pendant une semaine, entourés de groupes : Foghat, Pat Travers, Kentucky Headhunters, Molly Hatchet et plein d'autres. Il y avait tous types de groupes sur le navire. Il y avait trois énormes scènes et on a joué une fois sur chaque scène. On a fait trois concerts, pour trois publics différents. C'était extraordinaire, super bien organisé. Tu pouvais même assister aux concerts à la télé depuis ta chambre. Le personnel était super et l'entente entre les groupes était parfaite. On est passé par Haïti. On a pu descendre sur l'île pendant une journée et revenir faire la fête sur le bateau. C'est en fait notre deuxième participation. Je ne suis pas sûr qu'ils le refassent cette année, mais l'année prochaine, c'est sûr, c'est déjà programmé. Et il semble que l'on soit déjà invité. C'était vraiment super.
L'appellation actuelle du groupe est Jim Dandy's Black Oak Arkansas (Cf. « The Wild Bunch »). Pourquoi ne pas utiliser tout simplement le nom de Black Oak Arkansas ?
Pour être honnête, on l'a fait au début parce qu'on a eu à un moment des problèmes avec le management, des problèmes d'argent et tout ce qui va avec... Six types, c'était devenu ingérable pour eux. On a alors essayé la formule Jim Dandy avec un groupe derrière lui (« backing band ») mais ça n'a pas vraiment bien marché. Il y a eu juste quelques albums comme ça.
J'ai quitté le groupe en 1976, pendant deux ans. Pendant cette période, deux albums sont sortis mais ça ne sonnait pas comme du Black Oak et ça a donné en quelque sorte un coup d'arrêt au groupe pendant un an ou deux. Ils ont eu ensuite l'idée de relancer le groupe, mais sans aucun membre original. Ce n'était pas terrible du tout.
Quand on a recommencé, j'étais déjà à Memphis et on peut dire que Jim Dandy m'a kidnappé. Quand on se rencontre, Il est dans un bus, il me demande ce que je fais alors je lui dis « Je viens de finir de peindre une maison et je viens de toucher la paye. Maintenant, c'est le week-end, je vais prendre du bon temps ». Il me répond « J'ai mon bus là, on va en Louisiane pour jouer un concert. Tu devrais venir avec moi. On pourra jammer samedi soir et je te ramènerais dimanche pour que tu puisses être de retour au travail lundi ». Je jette quelques vêtements dans un sac et je monte dans le bus. En fait, je suis parti neuf mois ! Il ne voulait pas me ramener à la maison et il me gardait pour jouer avec lui. Le groupe était reformé et c'est alors qu'on a commencé à entendre parler d'un nouveau Black Oak. Tout le monde disait « On a vu ce Black Oak qui n'avait aucun vrai membre et c'était atroce ». Pour bien que tout le monde sache à quoi s'en tenir, on a alors commencé à appeler notre groupe Jim Dandy's Black Oak Arkansas. Comme ça, tout le monde savait que Jim Dandy était dans ce groupe. Et après, les gens voyaient que j'étais là aussi, qu'on composait et que nous on jouait des titres des vieux albums. Finalement, l'autre groupe a fini par disparaitre.
Crédit photo : Atlantic Records
On peut lire sur votre page Reverbnation que Black Oak Arkansas a fondé le rock sudiste et que des groupes comme Lynyrd Skynyrd, 38 Special, The Allman Brothers et Molly Hatchet ont copié le style de Black Oak pour créer un son qu'on identifie au rock sudiste. Ce n'est pas une opinion qu'on lit souvent. La partagez-vous ?
Ce n'est pas vraiment que nous ayons commencé avant les autres groupes et que nous les ayons influencé ; c'est plutôt qu'on s'influençait mutuellement et que nous étions tous sensibles à la musique des autres formations. De ce fait, Lynyrd Skynyrd a probablement en lui des saveurs issues de Black Oak. C'est un compliment pour nous que l'on compare nos musiques. Nous étions comme des amis. Pour moi, nos musiques sont similaires mais quand même différentes, chacun de nous ayant sa signature ; en ce sens, nous étions complémentaires. On n'était pas en compétition.
Pendant un temps, Blackfoot a accompagné Ruby Starr en concert. Elle était en tête d'affiche. Et Blackfoot faisait avant son propre show en première partie(7).
Les Allman Brothers sont arrivés à la même époque que Black Oak. C'était donc à peu près la même chose. Je ne pense pas que les Allman Brothers doivent quelque chose à Black Oak, parce que nous sommes venus du même coin au même moment. Pour d'autres groupes comme 38 Special et Lynyrd Skynyrd, on n'était pas en compétition avec eux ; il n'y avait pas de problèmes entre nous. C'était les gens qui nous mettaient en compétition en nous comparant. Mais nous comparer à eux, c'était comme un compliment, c'était une stimulation.
On a quand même été les premiers à avoir trois guitaristes. On a aussi été parmi les premiers groupes à nous nommer d'après une ville. Tout le monde choisissait des noms d'animaux, de coléoptères (les Beatles), de créatures et, nous, nous avons pris le nom du patelin d'où on venait tous et où on jouait depuis le lycée. Le bled Black Oak - à 2 miles de Monette, Ark - était si petit(8) qu'il n'y avait pas d'école. Nous nous réunissions autour de l'égreneuse de coton près de la maison du père de Jim et on jouait des trucs, là, tous ensembles. Nous nous sommes donc nommé d'après le premier endroit où le groupe Black Oak Arkansas s'est formé. C'est Jerry Cohen, notre manager - il est décédé il y a quelques années - qui y a pensé. C'est un super nom. À l'origine, avant même de signer pour Stax et Atlantic, on s'appelait Knowbody Else et il n'y avait personne comme nous (soit en anglais « nobody else like us ») en Arkansas, avec des longs cheveux mais quand on est arrivé en Californie on ressemblait à tout le monde. On a donc voulu changer de nom et en prendre un qui nous identifie tels que nous étions et non pas comme personne. Il n'y avait alors aucun groupe qui venait de l'Arkansas.
Quels sont les groupes qui vous ont influencé à cette époque quand Knowbody Else est devenu Black Oak et que vous avez quitté Stax pour Atlantic ?
A l'époque, dans le Sud, il n'y avait pas grand-chose, pas de FM, juste quelques radios. On recevait des radios blues de Memphis et le soir vers 10 heures, on captait une radio de Chicago, jusqu'à minuit. C'est là que j'ai commencé à entendre du rock and roll. Mes influences vont des Beatles, aux Byrds, Buffalo Springfield, Dylan et tout un tas d'autres artistes de folk. J'ai appris à jouer sur une guitare à douze cordes. Ce n'était pas facile à l'époque de trouver ce genre d'instrument. Même de nos jours d'ailleurs, il n'est pas évident à trouver une bonne douze cordes, qui sonne bien. J'ai entendu parler de cet instrument par un vieux mec de Santa Monica en Californie quand je faisais mes études. Il avait un magasin de musique et le vendredi soir, il fermait tout pour aller jammer avec tous les musiciens de la région. Je suis allé voir ça un soir et Il avait une douze cordes, c'était la première fois que j'en voyais une. Il m'a expliqué comment elle était faite, comment elle était accordée, comment en jouer, ce qui est un peu bizarre parce qu'il y a une petite corde et une autre, une grosse, et elles font la même note. J'ai alors commencé à écouter d'autres groupes et je me suis aperçu qu'il y a avait de la guitare à douze cordes sur plein de morceaux de groupes comme les Mamas and Papas, les Byrds, les Beatles, les Stones, les Kinks ou les Zombies. J'adorai ces groupes.
Le CD « Soldiers Of Pure Peace » contient une session à Memphis de 1967 produite par Jim Dickinson pour Knowbody else. Les crédits mentionnent Jim, Artis J.R. Brewer Jr., Keith McCann et toi. Il n'y avait que vous quatre dans le groupe ?
Jim Dandy, moi-même, Keith McCann, Artis Brewer et Pat Daugherty composaient Knowbody Else à l'époque. Et mon frère Danny(9) était dans Knowbody Else. Tout le monde y a participé, plus ou moins. Ça s'est passé à Ardent studios où tout le monde est venu enregistrer, ZZ Top, Jeff Beck, etc. J'habite maintenant à quatre blocs de là. À l'époque, ils partageaient l'endroit avec un libraire et c'était petit. Knowbody else n'avait jamais enregistré avant ces sessions. Jim Dickinson non plus d'ailleurs. C'est lui qui joue le piano sur « Wild Horses » des Stones. C'est un musicien hors pair. Il nous a entendus jouer et il a aimé ce que nous faisions. Pourtant, on jouait des choses assez étranges à l'époque. On est entré en studio, on a fait cet album mais il n'a jamais été réalisé. Notre management n'a jamais été capable d'obtenir un contrat. Notre management était plutôt jeune et ne savait pas vraiment quoi faire, il ne connaissait pas vraiment le business. Jim Dickinson produisait de super groupes mais ne connaissait rien non plus alors au business. L'album a terminé dans les placards On est partis travailler ensuite pour Stax, on a sorti un album avec eux et il n'était pas question pour notre management de l'époque que « Soldiers Of Pure Peace » ne sorte(10). Jim est décédé il y a environ deux ans et sa famille a fait des recherches dans tout ce qu'il avait stocké. Ils ont trouvé cet album de Knowbody Else. Maintenant, nous ne sommes plus liés à notre ancien mangement, on a le droit de le sortir et c'est comme un hommage. Mon frère jouait la basse sur cet album ; il est décédé il y a environ quatre ans et je n'avais jamais eu vraiment trop l'occasion de l'écouter jouer de la basse. La plupart des titres a été écrit par Jim, le guitariste Artis Brewer ou moi. Tout ceci était le fondement de ce qui plus tard deviendrait Black Oak Arkansas. On se cherchait encore à l'époque.
Les notes de pochette du LP publié par Knowbody Else chez Hip Records en 1967 indiquent, disent que vous êtes venu à la Nouvelle Orléans en 1968 mais que vous avez discuté avec Stax, un label Memphis, en 1968. Je ne comprends pas bien la chronologie. De quand à quand vous étiez à Memphis et à la Nouvelle-Orléans ? Quand avez-vous signé le contrat avec Stax ?
Eh bien (rires), en fait on a quitté Memphis trois fois et nous sommes partis pour la Californie quatre fois dans les premiers temps. Puis on est allés à la Nouvelle Orléans. J'y ai vécu pendant environ un an et demi. On essayait de se retrouver ensemble, pas seulement comme des musiciens, mais plutôt comme une famille. Etre un groupe n'est pas facile. Il faut que tout le monde se supporte, que les styles de vie soient compatibles, etc. On est partis là-bas un moment pour s'extirper de Memphis. On était au départ à Long Beach, Mississipi, puis on est allé à new Orleans et on a trouvé un club là-bas. On a réussi à avoir un contrat pendant un an et demi. On jouait tous les soirs. C'est difficile à croire mais on jouait une demi-heure, puis c'était un autre groupe, puis nous de nouveau... et ça de 7 heures le soir jusqu'à 6 heures du matin, tous les jours, pendant un an et demi. On jouait onze sets. Aucun jour de relâche, pas même pour la Saint Sylvestre ni pour toute la durée du Mardis Gras. Pendant la demi-heure de repos, on allait trainer dans d'autres clubs de Bourbon Street. Tout le monde me connaissait par mon prénom et on nous invitait à boire un verre. On était aussi les videurs du club. En cas de bagarre, on devait s'arrêter de jouer au milieu du morceau et stopper la rixe. Ça a duré un an et demi. Comme on ne voyait pas d'issue à ce travail, on a décidé de repartir à Memphis. Il y a plus de clubs et c'est plus facile ; c'est un endroit où il est plus facile d'être connu qu'à New Orleans. Jimmy Stewart était le président de Stax Records à cette époque. C'est lui qui a écrit « Heartbreak Hotel » pour Elvis. Il nous a aimés dès qu'il nous a entendus. Il nous a signés aussitôt. On était les seuls blancs chez Stax. On côtoyait tous ces songwriters talentueux, Rufus Tomas, David Porter (celui qui s'occupe maintenant du Stax Museum), Ivry Davis... Tout le monde était cool. Et nous, ce groupe de blancs appelé Knowbody Else... Notre musique détonait par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement. C'était un peu psychédélique et tout le monde pensait qu'on était déjantés. On avait un contrat avec Stax pour deux albums. Alors qu'on était tout heureux en train d'enregistrer le second des deux, on est parti jouer à los Angeles. Le président d'Atlantic est venu nous voir et il a aimé ce qu'on faisait. À l'époque, on changeait de nom et Ahmet voulait nous signer mais nous étions encore sous contrat avec Stax. Ces deux boites avaient un accord et Atlantic distribuait Stax. Jim Stewart avait été approché et avait répondu : « Faites ce que vous voulez, mais ils me doivent encore un album dont la moitié est déjà finie. Je veux les droits pour sortir cet album plus tard ». Ahmet a seulement signé cinq groupes dans sa carrière. Ray Charles était un des rares qu'il ait signé et nous étions le dernier. Plus tard, un album appelé « Early Times » est sorti et c'était une sorte de combinaison du premier album Stax et de ce qui était fait pour le deuxième et qui n'était pas terminé. Mais on est revenus plus tard finir cet album qui est sorti sous le titre « Early Times ». Mais c'est en fait la dernière partie de l'album qui serait sorti si on n'avait pas signé chez Atlantic.
Crédit photo : Atlantic Records
Vous êtes parti en Californie, changé de nom pour Black Oak Arkansas et signé avec Atlantic Records. Ce changement de nom, était-ce parce que Knowbody Else était encore liée à Stax par contrat ?
Non c'est à l'époque où on faisait des allers et retours pour la Californie. On avait décidé que l'on voulait vivre de la musique, pas uniquement pour la question pécuniaire. Mais pour être reconnu comme artiste, tu te dois d'être en Californie ou à New York, qui sont les endroits clés. On a choisi Los Angeles et on y est resté six ou sept mois, puis on est repartis en Arkansas pour revenir en Californie pendant une année et c'est à cette époque que l'on a décidé de changer de nom. C'est aussi à ce moment qu'Ahmet nous a voulu. On est revenu à Memphis pour travailler de nouveau à cet album Stax. Ahmet Egun nous a signés et on a commencé à faire des sessions en studio à Los Angeles et en Floride. On a changé de nom juste après l'album de Knowbody Else(11) et avant le deuxième qui n'a jamais été fini.
C'était un peu bizarre de vivre à Los Angeles. Vous avez là-bas des gens comme Bob Dylan et les Byrds. On trainait dans les rues et on allait jammer dans les clubs et autres trucs de ce style. Les gens se demandaient au début ce qu'était donc que ce Black Oak Arkansas et ils ne voyaient pas de raison de nous embaucher. On a commencé à faire des festivals là-bas mais on jouait juste pour se faire un notre nom. Nous avons encore des amis là-bas qui ce nous rappellent de nous en Californie, des jams qu'on faisait et des clubs où on avait l'habitude de jouer... the Beach, the, Valley, Hollywood. On va y retourner. Dans deux semaines on joue au Whisky A Go Go pour la première fois depuis quarante-deux ans.
Quand Pat Daugherty et Harvey Jett ont-ils rejoint le groupe ?
Pat et Harvey ont commencé à l'époque de Knowbody Else. Harvey a participé aux quatre ou cinq premiers albums de Black Oak Arkansas. Puis il s'est investi dans la religion, il ne voulait plus jouer de rock mais uniquement de la musique chrétienne. Il a été remplacé par Jimmy Henderson, un très bon guitariste. Il joue sur le nouvel album.
Qu'en est-il de Stanley Knight et Wayne Evans ?
Wayne est arrivé dans les premiers temps de Black Oak Arkansas. On était prêts pour les premiers albums. Il a participé aux trois premiers albums.
Il y a eu une période à deux guitaristes, Harvey et moi. Harvey est parti un temps pour se mettre en ménage avec une petite amie et c'est à ce moment que Stanley est arrivé. On a toujours considéré Stanley comme un frère. Pat et lui sont tous deux de Jonesboro, Ark. Et puis, tout d'un coup, Harvey est réapparu. On ne voulait pas que Stanley parte - on était devenus proches - et c'est comme ça que l'on s'est retrouvé à trois guitares.
Comme je l'ai déjà mentionné, je compose pas mal de morceaux mais à côté du rock, j'écoute aussi du jazz, du classique ; j'écoute tous les styles de musique. Et avec trois guitares, je me suis rendu compte qu'il fallait que les différentes parties soient parfaitement écrites, sinon chacun fait ce qui lui plait et le résultat est plutôt catastrophique. Chacun avait donc sa propre partie et on est devenus un vrai groupe à trois guitares. C'est ce qui a plu aux gens qui nous ont entendus. Ahmet, dès la première fois qu'il a entendu ça, il a adoré ces trois guitares. Il était moins convaincu par la voix. « On verra ce que l'on peut faire avec cette voix étrange, mais j'aime les trois guitares ». Jim a une voix très spéciale, mais il est reconnaissable entre tous. C'est le cas d'autres grands artistes : Cocker, Dylan, pour n'en citer que quelques-uns; Dès que tu entends trois notes, tu sais que c'est eux qui chantent.
Tu as travaillé avec un tas de producteurs. Lequel comprenait le mieux votre musique ?
C'est dur comme question. C'est étrange parce que quel que soit le producteur avec qui on a travaillé, Jim et moi étions de toutes les façons toujours bien présents. Jim et moi avons pratiquement toujours produit nous-mêmes. Pour le premier album chez Atlantic, nous leur avons dit qu'on se produisait nous-mêmes chez Stax mais eux voulaient un producteur connu, qui ait des références. Ils ont amené Lee Dorman et Mike Pinera d'Iron Butterfly, qui étaient des amis à nous. Ils étaient producteurs exécutifs. Je les aime tous les deux. Lee est décédé il y a quelques semaines et Mike est à l'hôpital, très malade. J'aime vraiment ces types. Ce sont de très bons amis à moi mais en studio, ils s'asseyaient et se contentaient d'acquiescer à ce que quiconque souhaitait faire, pas plus. Quand on a enregistré le deuxième album, on a commencé par produire nous-mêmes. Atlantic s'est inquiété et ils nous ont amené Tom Dowd. Tom Dowd est un type extraordinaire. Richard(12) est un super musicien. John Ryan et tous les types avec qui on a travaillé étaient vraiment très bien. Ils savaient prendre en compte les suggestions que moi et Jim faisions car souvent on arrivait en studio avec un plan de bataille et on n'avait pas trop l'intention d'en changer ; quelques petites modifications tout au plus. Pourquoi perdre son temps à réécrire un morceau qu'on avait déjà écrit et travaillé ? On entrait en studio pour enregistrer, pas pour écrire de nouveaux morceaux. C'étaient des grands producteurs surtout parce ils allaient là où le groupe voulait aller mais quand ils avaient une idée ils venaient vous voir et vous disaient « Ce que vous faites est vraiment super mais voyons ce que ça donnerait si on faisait ça de cette manière ou si on rajoutait ça ». Des producteurs qui travaillaient avec les groupes, pas contre eux. Je les aime tous.
Crédit photo : Atlantic Records
Sur la première copie de « High On The Hog » que j'avais achetée, qui était un pressage espagnol (sortie à l'époque du franquisme où sévissait la censure morale), « Happy Hooker » (« la putain heureuse ») avait été remplacé par « When Electricity Came To Arkansas ». Avez-vous souvent souffert de la censure ?
Un pressage espagnol ? Jamais entendu parler. Tu sais tout ceci est étrange. Ce qui est sûr c'est que j'ai joué officiellement sur dix-huit albums de Black Oak et il y en a au moins trente-cinq en circulation. J'ai un album des Philippines avec nous en photo alors que c'est une compilation de morceaux rock dont nous n'avons rien enregistré. Pour ce dont tu me parles, je n'ai aucune idée de ce que c'est. Surement un bootleg ou un truc mal étiqueté comme cette version japonaise qui est sortie avec les titres dans le désordre. Je ne sais pas sur combien d'albums on figure mais c'est phénoménal. Entre les bootlegs, les compils... On est sur les best of de rock sudiste, de heavy metal, de classic rock sans compter les bandes originales de films. Et on ne l'apprend que quand ça sort.
Il y a parfois des albums dont il est difficile de savoir s'ils sont vraiment officiels. Par exemple, « The Lost Demos Of 71-72, Chapter One », est-ce officiel ou bootleg ?
Encore un bootleg ! À l'époque, quand tu voulais déposer un morceau, il fallait en plus de la partition et des paroles mises sur papier, déposer une cassette avec un enregistrement. Généralement, voix et guitare acoustique. Tu écrivais les paroles et tu donnais tout à un pianiste qui était capable de lire la musique. Il pouvait arriver que quelqu'un de la maison de disques ou du management ou quiconque d'autre fasse des copies pour lui. C'est ce genre de choses que tu retrouves trente ans plus tard. « Evil Lady » est un morceau du dernier album dans une version avec le groupe complet produit par Tom Dowd. Eh bien, tu peux trouver ce morceau sur une vielle cassette de l'époque où je l'ai écrite avec ma voix et ma guitare acoustique. Nous, on ne gagne rien sur ces disques mais si vous êtes un collectionneur de Black Oak, c'est cool car vous allez avoir des choses inédites. C'est comme le nouvel album. Vous allez avoir des versions de chansons que vous connaissez mais vous n'aviez jamais eu les versions studio.
C'est super mais je n'ai rien à voir avec. C'est Atlantic qui a tous les droits puisque nos cinq premiers albums sont chez eux. Je suis fier de ces albums et n'ai rien à dire contre le fait qu'ils ressortent à nouveau, même si l'on n'est pas payé. D'un autre côté, ça aurait été bien qu'on nous implique dans le projet.
Capricorn Records est un label spécial pour le rock sudiste, une sorte de mythe. Était-ce une motivation pour signer un contrat avec eux en 1977 ? Comment cela s'est-il produit ?
En 1977, je n'étais plus là ; j'avais quitté le groupe en 1976. Jim m'avait remplacé par un clavier et un guitariste et ils avaient sorti deux albums chez Capricorn. Un de ces albums, « Race With The Devil », est vraiment très bon. Les deux guitaristes, Greg Reding et Jack Holder, sont de bons amis. Bien que je n'ai rien à voir avec, j'ai toujours pensé que c'était un superbe album. Pour le deuxième, je n'en dirai pas autant. C'est pour moi, un des pires de Black Oak. C'était étrange, Capricorn avait des problèmes, Black Oak avait des problèmes au même moment et le résultat était en dessous de tout. Black Oak s'est arrêté un moment après ça et Capricorn n'a pas tardé à fermer. C'était des gens adorables.
1 Pour différentes raisons, la totalité des propos recueillis n'a pu être retranscrite ici.
2 Tommy Aldridge.
3 Il quitta Black Oak Arkansas en 1977, « 10 Yr Overnight Success » étant son dernier enregistrement. Il revint en 1996 jusqu'en 2002. Il figure sur « The Wild Bunch » (1999).
4 Harvey Jett. Il avait quitté le groupe après « Street Party ».
5 Cet instrumental figure dans l'édition Deluxe (4 titres bonus), disponible uniquement en version digitale.
6 Ahmet Ertegun, fondateur et président d'Atlantic Records.
7 En 1977 Blackfoot avait contacté Butch Stone - le manager de Black Oak Arkansas - pour qu'il s'occupe d'eux. Cela se concrétisa par une association avec Ruby Starr et une tournée américaine à la fin de 1977 sous l'appellation Ruby Starr and Blackfoot. Blackfoot faisait généralement la première partie avant d'accompagner la chanteuse pour le second set.
8 200 habitants.
9 Glennray Tutor, auteur du texte du livret de « Soldiers Of Pure Peace » et spécialiste du groupe nous a précisé que Danny Reynolds était le bassiste au tout début des sessions mais que trop limité, il était souvent suppléé par son frère. Il ne jouerait en tout cas sur aucun des titres. Pat Daugherty le remplaça à l'automne 1967 dans le groupe et enregistra une grande partie des morceaux de cet album, dont les sessions s'étalèrent de l'été 1967 à celui de 1968.
10 Le livret du CD raconte qu'en concert le groupe avait commencé à annoncer qu'ils enregistraient et que l'album devait sortir à l'été 1968.
11 Album « The Knowbody Else » paru en 1969 (Hip Records HIS-7003).
12 Richard Podolor. Il a produit « Ain't Life Grand » et « X Rated ».